Précisions sur l’accès aux données de trafic et de localisation lors d’une procédure pénale

Dans un arrêt du 2 mars 2021, la Cour de justice de l’UE apporte des précisions importantes en matière de conservation des données de trafic et de localisation par les fournisseurs de services de communications électroniques, ainsi que de leur accès par les autorités nationales à des fins de lutte contre la criminalité, dans le cadre d’une instruction pénale. Elle se prononce sur la portée de l’article 15, § 1 de la directive « vie privée et communications électroniques », qui permet aux États membres de limiter la portée des droits des personnes sous réserve que la mesure soit « nécessaire, appropriée et proportionnée, au sein d’une société démocratique, pour sauvegarder la sécurité nationale – c’est-à-dire la sûreté de l’État – la défense et la sécurité publique, ou assurer la prévention, la recherche, la détection et la poursuite d’infractions pénales ou d’utilisations non autorisées du système de communications électroniques ». Dans cet arrêt, elle juge donc que la directive, lue à la lumière de la Charte, s’oppose à une réglementation nationale permettant l’accès des autorités publiques à des données relatives au trafic ou à des données de localisation, susceptibles de fournir des informations sur les communications effectuées par un utilisateur d’un moyen de communication électronique ou sur la localisation des équipements terminaux qu’il utilise et de permettre de tirer des conclusions précises sur sa vie privée, à des fins de prévention, de recherche, de détection et de poursuite d’infractions pénales, sans que cet accès soit limité à des procédures visant à la lutte contre la criminalité grave ou à la prévention de menaces graves contre la sécurité publique. Selon la Cour, la durée de la période pour laquelle l’accès à ces données est sollicité et la quantité ou la nature des données disponibles pour une telle période n’ont pas d’incidence à cet égard. A cet effet, la Cour précise qu’en vertu de cette directive, des mesures législatives ne peuvent imposer aux fournisseurs de services de communications électroniques, à titre préventif, une conservation généralisée et indifférenciée des données relatives au trafic et des données de localisation. En conséquence, seuls les objectifs de lutte contre la criminalité grave ou de prévention de menaces graves pour la sécurité publique sont de nature à justifier l’accès des autorités publiques à un ensemble de données relatives au trafic ou de données de localisation, de nature à tirer des conclusions précises sur la vie privée des personnes concernées, sans que d’autres facteurs tenant à la proportionnalité d’une demande d’accès, tels que la durée de la période pour laquelle l’accès est sollicité à de telles données, puissent avoir pour effet que l’objectif de prévention, de recherche, de détection et de poursuite d’infractions pénales en général soit susceptible de justifier un tel accès. Par ailleurs, la Cour a considéré que cette même directive s’oppose à une réglementation nationale donnant compétence au ministère public pour autoriser l’accès d’une autorité publique aux données relatives au trafic et aux données de localisation afin de mener une instruction pénale. Pour satisfaire à l’exigence de proportionnalité, une telle réglementation devrait prévoir des règles claires et précises sur la portée et l’application de la mesure en cause et imposant des exigences minimales. Ainsi les personnes concernées pourraient isposer de garanties suffisantes permettant de protéger efficacement ces données contre les risques d’abus.

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Atteinte à la vie privée pour reproduction de condamnations pénales

Le fait qu’une condamnation pénale soit publique et qu’elle concerne l’activité professionnelle d’une personne n’implique pas qu’on puisse en faire état sur une page d’un site internet consacrée à cette personne. En rejetant les demandes de la personne qui avait été condamnée « sans rechercher, comme il le lui incombait au regard de l’atteinte portée à la vie privée de M. X, si la publication en cause s’inscrivait dans un débat d’intérêt général, justifiant la reproduction des condamnations pénales le concernant, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision », a estimé la Cour de cassation dans un arrêt du 17 février 2021. La Cour a ainsi rappelé la nécessaire mise en balance qui doit être effectuée en prenant en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, l’objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication. Il s’agit de concilier l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme sur le respect à la vie privée et l’article 10 protégeant la liberté d’expression.
Le représentant légal d’une société spécialisée dans la supplémentation nutritionnelle avait été déclaré coupable, par arrêt du 18 mars 2009, devenu définitif, des faits d’exercice illégal de la pharmacie, commercialisation de médicaments sans autorisation de mise sur le marché et, par arrêt du 4 mai 2011, de fraude fiscale et d’omission d’écritures en comptabilité, cette condamnation ayant été annulée par décision du 11 avril 2019 de la cour de révision et de réexamen des condamnations pénales. Il avait découvert qu’une page lui était consacrée sur le site internet, Psiram.com, qui faisait état de ces deux condamnations pénales. Le site comportait également un lien hypertexte pour consulter l’avis de décès de son père publié sur le site Dansnoscoeurs.fr. Le faire-part de décès de son père avait été publié sur internet par la famille. Pour la Cour de cassation, « cette seule circonstance ne permettait pas d’écarter l’existence d’une atteinte à la vie privée consécutive à l’utilisation du faire-part dans la publication en cause ». Pour ce motif lié à la publication du faire-part du décès et celui concernant la publication relative aux condamnations pénales, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt du 25 septembre 2019 de la cour d’appel de Paris.

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Diffamation : Twitter contraint de communiquer des données d’identification

Par une ordonnance de référé du 25 février 2021, le tribunal judiciaire de Paris a estimé qu’une demande de communication de données d’identification par requête ou en référé n’est pas incompatible avec le dépôt, en parallèle d’une plainte pénale en diffamation. Il a donc ordonné à la société de droit irlandais Twitter International de communiquer à la créatrice d’une chaîne Youtube l’ensemble des données qu’elle détient de nature à permettre l’identification du titulaire du compte Twitter, sur lequel sont tenus des propos diffamatoires à son encontre. Afin de garantir la proportionnalité de la mesure, l’ordonnance de référé limite la demande de communication aux seules données tenues par Twitter, et utiles à la réunion des éléments susceptibles de commander la solution du litige potentiel, à savoir : les types de protocoles, l’adresse IP utilisée pour la connexion au service au moment de la création du compte, l’identifiant de cette connexion, la date de création du compte, les nom et prénom ou la raison sociale du titulaire du compte, les pseudonymes utilisés et les adresses de courrier électronique ou de comptes associés.
Le tribunal a estimé que l’influenceuse diffamée dispose d’un motif légitime à se voir communiquer les données permettant d’identifier les auteurs de ces messages. Il a par ailleurs considéré que la demande en communication était fondée et proportionnée dès lors qu’il existait un risque de dépérissement de la preuve, en raison du bref délai de conservation des données instauré par le décret du 25 février 2011. Il précise que le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile n’est pas un acte de nature à exclure « la possibilité de solliciter une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, dès lors que l’intervention du juge d’instruction ne se limite nullement à la recherche de l’auteur des propos litigieux ».
Une femme avait créé une chaîne sur Youtube qui a pour vocation à partager les moments de loisirs de sa famille et dont ses enfants sont les protagonistes principaux. Courant juillet 2020, elle a été alertée par la création d’un hashtag sur Twitter destiné à dénoncer une prétendue emprise nocive et une instrumentalisation de ses enfants mis en scène dans les vidéos publiées sur sa chaîne. Il est apparu que ce compte associé à ce hashtag incitait à une diffusion large de son message sur les réseaux avec la mention TT (top tweet) qui permet de faire figurer le message dans le classement des plus partagés de Twitter. Ce qui a donné de la visibilité au hashtag, d’autant plus qu’il a été relayé par la chaîne Konbini.
L’influenceuse a déposé une plainte avec constitution de partie civile du chef de diffamation publique envers un particulier et a demandé au tribunal communication des données d’identification relatives à ce compte anonyme, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

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Ventes en ligne : contrefaçon de modèles de bracelets et de photos

Une société a été reconnue coupable d’actes de contrefaçon de modèles et de droit d’auteur, et de concurrence déloyale, pour avoir vendu sur des sites de ventes en ligne des bracelets identiques à deux modèles déposés et avoir reproduit sans droit les photographies de ces bijoux. Par un jugement du 2 février 2021, le tribunal judiciaire de Lyon a condamné la société FQP Network à verser à la titulaire des modèles 10 000 € de dommages-intérêts au titre de la réparation de son préjudice économique et 2 000 € pour le préjudice moral. Pour avoir repris les photos des bracelets sans l’autorisation de la créatrice des bijoux, la société lui doit une indemnisation de 460 € au titre des droits patrimoniaux et de 500 € pour le droit moral, le nom de l’auteur n’ayant pas été cité et la photo ayant été modifiée. De plus, la photo du visage de la créatrice ayant été également reproduite, FQP Network doit l’indemniser pour atteinte à son droit moral à hauteur de 1 500 €. Par ailleurs, la titulaire des modèles a invoqué le risque de confusion auprès de la clientèle du fait de l’utilisation de ses photos. Le tribunal reconnaît qu’ainsi la société a bénéficié des efforts et des investissements de la créatrice pour réaliser ses créations et en assurer la promotion et il lui octroie 3 000 € en réparation de ces actes de concurrence déloyale. Enfin, FQP Network est condamnée aux dépens et à lui payer 6 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

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Google condamné à plus d’un million d’euros pour abus de position dominante

En suspendant plusieurs fois les annonces publicitaires de l’opérateur de renseignements téléphoniques Oxone puis en édictant une nouvelle règle interdisant l’accès des annonces de renseignements téléphoniques à ses prestations de publicité en ligne, Google s’est rendu coupable de pratique anticoncurrentielle par abus de position dominante, a jugé le tribunal de commerce de Paris dans un jugement du 10 février 2021. Il condamne Google Ireland à verser à Oxone plus d’un million d’euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’interruption d’activité et de la perte de marge qui en a résulté, 100 000 € au titre du préjudice moral, et 50 000 € au titre de l’article 700 du code procédure civile.
Oxone est un opérateur de renseignement téléphonique depuis 2018. Afin de permettre l’accès à ses services de renseignement téléphonique, il a créé plusieurs sites internet renvoyant à ses numéros 118. Pour faire la promotion de ses numéros, il a utilisé le service de Google Ads. Ces annonces apparaissent sur le moteur de recherche identifiés comme « annonces », en fonction des requêtes des internautes et des enchères. Fin décembre, Google l’a informé qu’il suspendait la diffusion de ses annonces au motif qu’il refusait la « vente d’objets gratuits ». Après réclamation d’Oxone, les annonces ont été rétablies. A partir de cette date et jusqu’en février 2020, Google a refusé des annonces puis suspendu certains comptes ouverts par l’opérateur. Parallèlement, le 11 septembre 2019, Google avait informé les annonceurs de sa décision de modifier ses conditions générales à compter du mois de décembre, délai qui sera ultérieurement reporté à mars 2020, en vue de ne plus autoriser les annonces pour les services de renseignements téléphoniques de transfert et d’enregistrement d’appel. A partir de la fin mars 2020, Google a suspendu définitivement les annonces d’Oxone, qui sera placée par la suite en redressement judiciaire. Oxone et les organes de la procédure de redressement judiciaire ont assigné Google pour abus de position dominante.
Le tribunal de commerce de Paris commence par affirmer que Google se trouve bien en position dominante sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches, comme l’a relevé l’Autorité de la Concurrence dans sa décision du 19 décembre 2019. Les sociétés de renseignement téléphonique, qui n’ont pas une notoriété propre, doivent en effet passer par une publicité en ligne et donc utiliser les services de Google Ads, acteur presque monopolistique sur ce marché, soit 90 %.
Comme le souligne le tribunal, Google se doit de respecter une grande prudence pour éviter toute pratique anticoncurrentielle qui aurait une répercussion sur le marché aval des services d’annuaire qu’ils soient en ligne ou téléphonique et ainsi ne pas abuser de sa position dominante. Or, ce n’est pas le cas. Aucune explication n’a été donnée par Google pour justifier les interruptions des annonces d’Oxone intervenues avant 2019 et qui ont donné lieu par la suite à un rétablissement.
En mars 2019, Google a modifié ses conditions générales éliminant de son service les services de renseignements téléphoniques de transfert et d’enregistrement d’appel. Google justifie ce refus de vente par des plaintes de consommateurs et une enquête ancienne de la DGCCRF. Or, Google n’apporte aucun élément probant pour justifier une règle d’éviction. Le tribunal rappelle au contraire que la protection du consommateur est assurée par l’Arcep qui attribue ces numéros de services de renseignements et assure un contrôle de cette profession. Il constate par ailleurs la mise en place de cette nouvelle règle de façon concomitante au développement du service de Google My Business et l’extension Click To Call, qui offre un service identique à celui d’Oxone. Google « a un intérêt évident à éliminer toutes sociétés permettant une mise en contact téléphonique qui deviennent concurrentes à ses propres produits. La mise en place de cette règle doit donc être considérée comme une manœuvre anticoncurrentielle », estime le tribunal qui conclut que « Google ne pouvait ignorer qu’en privant de son service de publicité en ligne les sociétés de renseignement téléphonique elle éliminait celles-ci qui n’avaient aucune alternative ».

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Google condamné à plus d’un million d’euros pour abus de position dominante

En suspendant plusieurs fois les annonces publicitaires de l’opérateur de renseignements téléphoniques Oxone puis en édictant une nouvelle règle interdisant l’accès des annonces de renseignements téléphoniques à ses prestations de publicité en ligne, Google s’est rendu coupable de pratique anticoncurrentielle par abus de position dominante, a jugé le tribunal de commerce de Paris dans un jugement du 10 février 2021. Il condamne Google Ireland à verser à Oxone plus d’un million d’euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’interruption d’activité et de la perte de marge qui en a résulté, 100 000 € au titre du préjudice moral, et 50 000 € au titre de l’article 700 du code procédure civile.
Oxone est un opérateur de renseignement téléphonique depuis 2018. Afin de permettre l’accès à ses services de renseignement téléphonique, il a créé plusieurs sites internet renvoyant à ses numéros 118. Pour faire la promotion de ses numéros, il a utilisé le service de Google Ads. Ces annonces apparaissent sur le moteur de recherche identifiés comme « annonces », en fonction des requêtes des internautes et des enchères. Fin décembre, Google l’a informé qu’il suspendait la diffusion de ses annonces au motif qu’il refusait la « vente d’objets gratuits ». Après réclamation d’Oxone, les annonces ont été rétablies. A partir de cette date et jusqu’en février 2020, Google a refusé des annonces puis suspendu certains comptes ouverts par l’opérateur. Parallèlement, le 11 septembre 2019, Google avait informé les annonceurs de sa décision de modifier ses conditions générales à compter du mois de décembre, délai qui sera ultérieurement reporté à mars 2020, en vue de ne plus autoriser les annonces pour les services de renseignements téléphoniques de transfert et d’enregistrement d’appel. A partir de la fin mars 2020, Google a suspendu définitivement les annonces d’Oxone, qui sera placée par la suite en redressement judiciaire. Oxone et les organes de la procédure de redressement judiciaire ont assigné Google pour abus de position dominante.
Le tribunal de commerce de Paris commence par affirmer que Google se trouve bien en position dominante sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches, comme l’a relevé l’Autorité de la Concurrence dans sa décision du 19 décembre 2019. Les sociétés de renseignement téléphonique, qui n’ont pas une notoriété propre, doivent en effet passer par une publicité en ligne et donc utiliser les services de Google Ads, acteur presque monopolistique sur ce marché, soit 90 %.
Comme le souligne le tribunal, Google se doit de respecter une grande prudence pour éviter toute pratique anticoncurrentielle qui aurait une répercussion sur le marché aval des services d’annuaire qu’ils soient en ligne ou téléphonique et ainsi ne pas abuser de sa position dominante. Or, ce n’est pas le cas. Aucune explication n’a été donnée par Google pour justifier les interruptions des annonces d’Oxone intervenues avant 2019 et qui ont donné lieu par la suite à un rétablissement.
En mars 2019, Google a modifié ses conditions générales éliminant de son service les services de renseignements téléphoniques de transfert et d’enregistrement d’appel. Google justifie ce refus de vente par des plaintes de consommateurs et une enquête ancienne de la DGCCRF. Or, Google n’apporte aucun élément probant pour justifier une règle d’éviction. Le tribunal rappelle au contraire que la protection du consommateur est assurée par l’Arcep qui attribue ces numéros de services de renseignements et assure un contrôle de cette profession. Il constate par ailleurs la mise en place de cette nouvelle règle de façon concomitante au développement du service de Google My Business et l’extension Click To Call, qui offre un service identique à celui d’Oxone. Google « a un intérêt évident à éliminer toutes sociétés permettant une mise en contact téléphonique qui deviennent concurrentes à ses propres produits. La mise en place de cette règle doit donc être considérée comme une manœuvre anticoncurrentielle », estime le tribunal qui conclut que « Google ne pouvait ignorer qu’en privant de son service de publicité en ligne les sociétés de renseignement téléphonique elle éliminait celles-ci qui n’avaient aucune alternative ».

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Logiciel : cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle

Sur renvoi d’un arrêt de la Cour de cassation, la cour d’appel de Paris a prononcé, dans un arrêt du 15 janvier 2021, la résiliation de deux contrats aux torts des deux sociétés du groupe Arcelor, au titre de la responsabilité contractuelle d’Arcelor MP sur le contrat de licence et de maintenance, et de celui de la responsabilité délictuelle d’Arcelor France pour rupture brutale du contrat de services. Comme le prescrit la cour suprême, la cour d’appel n’a pas appliqué le principe de non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle, au motif qu’il s’agissait de sociétés distinctes. Les sociétés Arcelor ont été condamnées in solidum à verser plus d’un million d’euros au titre de la licence d’utilisation, 50 000 € au titre de la rupture brutale de la relation contractuelle établie, 15 000 € en réparation du préjudice moral et 40 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La Société Data Dynamics (DDS) est un éditeur de logiciel qui a conclu deux contrats avec deux entités juridiques distinctes du groupe Arcelor Mittal : un contrat de licence et maintenance signé par Arcelor MP pour la concession du droit d’utilisation de son progiciel Shipper et un contrat de services signé par Arcelor France pour le paramétrage et le déploiement du progiciel adapté, sur plusieurs sites en Europe. A la suite d’une étude comparative de solutions logicielles, au bout de quelques mois, Arcelor a notifié la résiliation des deux contrats par une seule lettre de résiliation, sans faire état de préavis. Pour la licence d’utilisation, le préavis au contrat a été respecté, celle-ci étant annuelle, et elle se terminait à son terme, mais elle comportait un engagement d’Arcelor de 5 ans. Le contrat de service prenait fin suite à la réception de notification, puisque tout passait par des bons de commande.
Dans un premier arrêt du 15 septembre 2017, la Cour d’appel de Paris a débouté DDS pour atteinte au principe de non-cumul des responsabilités, car les contrats avaient été résiliés par une seule lettre, donc un seul fait générateur, à savoir la lettre de résiliation qui visait l’ensemble des contrats en cours, pour une rupture brutale sur le terrain délictuel et abusive sur le terrain contractuel. La Cour de cassation a cassé cette décision par un arrêt du 26 juin 2019. Elle estime « qu’en statuant ainsi, tout en constatant que la société DDS invoquait un fondement contractuel pour ses demandes au titre du contrat de licence conclu avec la société Arcelor MP, et un fondement délictuel au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie qu’elle avait nouée dans le cadre du contrat de services conclu avec la société Arcelor France, de sorte que le principe du non-cumul ne trouvait pas à s’appliquer, s’agissant de défendeurs distincts, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Dans la logique de la Cour de Cassation, la cour d’appel a prononcé, le 15 janvier 2021, la résiliation des deux contrats aux torts exclusifs des deux sociétés Arcelor. Celles-ci font des critiques générales à DDS sans caractériser les carences de DDS sur la qualité du développement ou la qualité des spécifications de l’application logicielle fournis, se montrant ainsi incapables de fournir la preuve des éléments motivant la résiliation.

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Condamnation pour extraction prohibée des annonces de Leboncoin.fr

L’arrêt de la cour d’appel de Paris du 2 février a non seulement confirmé le jugement du TGI de Paris qui avait considéré que le site de petites annonces Leboncoin.fr constitue une base de données et que son exploitant a la qualité de producteur de base de données, mais elle a aussi reconnu que Entreparticuliers.com avait procédé à l’extraction et à la réutilisation non autorisée de parties substantielles de données « immobilier » du site Leboncoin.fr. Dans cet arrêt clair et bien motivé, la cour rappelle que la reproduction de contenus essentiels d’une petite annonce est une extraction prohibée, quand bien même cette reproduction s’accompagne d’un lien hypertexte vers le site d’origine. Elle condamne le défendeur à verser 20 000 € de dommages-intérêts et 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Entreparticuliers.com propose aux particuliers depuis 2000 un service payant d’hébergement d’annonces essentiellement immobilières. Leboncoin.fr, qui a été ouvert en France en 2006, permet de diffuser gratuitement des annonces pour tous types de biens. Il publie 800 000 nouvelles annonces par jour pour un total de 28 millions d’annonces publiées. Il est devenu le premier site français de petites annonces en ligne, notamment dans la catégorie « immobilier ». Pour maintenir un volume d’annonces, Entreparticuliers.com avait souscrit auprès du sous-traitant Directannonces un service de piges lui fournissant toutes les nouvelles annonces immobilières publiées par les particuliers en France, dont les annonces publiées sur Leboncoin.fr et reprises sur Entreparticuliers.com sans autorisation. Le premier a assigné le second en contrefaçon sur le fondement du droit d’auteur et du droit sui generis du producteur.
Comme le TGI de Paris, la cour d’appel a reconnu que Leboncoin.fr avait la qualité de producteur de base de données et bénéficie en conséquence de la protection du contenu de la base. Selon elle, Leboncoin.fr justifie de moyens substantiels consacrés à la constitution, la vérification et la présentation de la sous-base de données « immobilier », l’autorisant ainsi à invoquer la protection au titre des articles L. 341-1 et L. 342-5 du CPI. La cour reconnaît que Le bon coin a consenti des investissements liés à la constitution de son contenu, en termes techniques, de communication ou de stockage. Sur ce dernier point, la cour affirme que « les investissements financiers, matériels et humains, qui concourent au rassemblement des données, permettent leur tri et leur stockage afin de favoriser leur accessibilité lors de leur mise en ligne, doivent être pris en compte, l’article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle, visant, ainsi qu’il a été dit, à protéger l’investissement dans des systèmes de stockage et de traitement de l’information, de sorte que c’est à tort que la société Entreparticuliers.com prétend que ces investissements de stockage ne pourraient être assimilés à ceux de l’obtention des données, et relèveraient des programmes d’ordinateurs utilisés dans le fonctionnement d’une base de données ».
La cour retient également que Entreparticuliers.com a procédé à l’extraction et à la réutilisation de parties substantielles de données « immobilier » du site Leboncoin.fr. Le défendeur avait conclu un contrat avec Directannonces pour l’extraction avec indexation d’annonces dans le seul but de prospection commerciale. Les constats d’huissier produits démontrent que les annonces d’Entreparticuliers.fr provenaient en grande partie du site Leboncoin et toutes les données d’origine étaient reproduites, à l’exception du téléphone de l’annonceur, et comportaient un lien de redirection vers Leboncoin.fr.

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Logiciel spécifique : manquement à l’obligation de résultat mais pas de résolution du contrat

Si le prestataire d’un logiciel spécifique n’a pas respecté son obligation de résultat à laquelle il est tenu, le tribunal de commerce de Vienne a cependant débouté le client de sa demande de résolution du contrat car il n’a pas rapporté la preuve de la gravité des manquements. Dans son jugement du 21 janvier 2021, il a condamné le prestataire défaillant à lui verser 8 000 € de dommages-intérêts.
La société Prep’Services avait commandé à la société Désirade la fourniture d’un logiciel spécifique afin d’automatiser un certain nombre de tâches pour optimiser sa gestion opérationnelle sociale et comptable. Désirade avait construit sa proposition commerciale et développé le logiciel sur la base d’un cahier des charges détaillant les besoins spécifiques du client. La version comportait cependant des dysfonctionnements et des incohérences de fonctionnement. Le développement de fonctionnalités complémentaires de l’application a donc été accompli pour un forfait de 6 300 € HT.
Constatant sa difficulté à satisfaire aux exigences de son cocontractant, Désirade, après avoir corrigé l’essentiel des erreurs signalées, l’a invité à finaliser les développements complémentaires de l’application avec un autre développeur plus adapté à sa taille. Le prestataire exigeait cependant le paiement des 6 300 € HT, en contrepartie de la transmission des codes sources relatifs à l’application litigieuse. Malgré ses réticences, Prep’Services a payé pour récupérer les sources et a confié la réalisation d’un logiciel et d’une application mobile offrant les mêmes fonctionnalités que le projet initial à un autre développeur, qui lui a donné entière satisfaction. Le client a néanmoins assigné en justice Désirade afin d’obtenir la résolution du contrat ainsi que des dommages-intérêts en indemnisation des préjudices qu’il prétend avoir subis du fait de son comportement.
Le tribunal a rappelé qu’en matière de logiciels spécifiques développés pour les besoins d’un utilisateur, le prestataire est tenu de délivrer un produit conforme aux spécifications détaillées dans le cahier des charges et que, par conséquent, il est soumis à une obligation de résultat à l’égard de son client. Il constate que Désirade a pris l’initiative de la rupture et a incité son adversaire à recourir aux services d’un prestataire mieux adapté, acceptant de ce fait les conséquences de sa décision. Toutefois, malgré ses efforts pour satisfaire son client, il a manqué à son obligation de délivrance d’un produit conforme et ce d’autant plus que la recette de l’application n’a jamais été acquise. Il a donc eu de ce fait un comportement dolosif à l’égard de son client.
En ce qui concerne la résolution du contrat, elle ne peut être prononcée que si la preuve est rapportée de l’existence de manquements suffisamment graves pour justifier qu’il soit mis un terme aux relations contractuelles entre les parties. Il s’avère qu’une partie des difficultés résultait, semble-t-il, d’une coopération insuffisante entre les parties, mais aussi de l’évolution des demandes et des atermoiements du client. Le tribunal a conclu que si les manquements dénoncés ont porté préjudice à Prep’Services, ils ne sont pas suffisamment graves pour justifier une résolution des contrats liant les parties.

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Numéros à coûts partagés : pas de reversement pour des appels internationaux

Douze ans après la naissance du litige, la cour d’appel de Paris a statué en tant que cour d’appel de renvoi, pour la deuxième fois après deux arrêts de cassation, dans un litige entre Budget Télécom (aujourd’hui Mint) et Verizon concernant la réclamation d’un reversement calculé sur des relevés de trafic téléphonique liés à des numéros à coûts partagés. Par son arrêt du 22 janvier 2021, la cour a confirmé la solution retenue par le jugement de 2011 du tribunal de commerce de Paris, approuvé en appel, qui avait débouté Budget Télécom de sa demande, au motif que les reversements ne pouvaient intervenir que sur la base de sommes reçues (donc payées), ce qui n’était pas le cas des appels d’origine internationale.
Budget Télécom et Verizon avaient signé des contrats, en 2004 et 2007, qui prévoyaient une collecte pour les seuls appels à partir de la boucle locale France Télécom, sans envisager que les appels internationaux pouvaient être livrés à France Telecom et être ensuite acheminés. Les contrats précisaient que les reversements ne pouvaient intervenir que sur la base de sommes reçues (donc payées), ce qui excluait les appels d’origine internationale. Le litige porte sur des numéros à coûts partagés, dénommés services à valeur ajoutée (SVA), qui permettent aux abonnés d’accéder à des services téléphoniques commerciaux. L’opérateur de départ France Télécom raccorde le client sur son réseau, assure la facturation et encaisse le règlement de l’appelant ayant utilisé le service commercial correspondant au numéro SVA appelé et rétrocède une partie de la facturation perçue à Verizon. Ce dernier, qui se situe entre l’opérateur de départ et l’opérateur exploitant le numéro SVA, est chargé de collecter les appels à destination de ces numéros et d’assurer le cheminement physique du trafic.
Selon la clause Prix et Reversement, Verizon procédait au calcul du reversement de facturation à Budget Télécom, sur la base de données qu’elle avait enregistrées et des sommes effectivement perçues de France Télécom. Or, Verizon a refusé une facture de 230 307,37 euros de Budget Télécom, correspondant au trafic téléphonique du mois de décembre, France Télécom ayant refusé d’effectuer les reversements. Une partie de ce trafic s’est révélé d’origine internationale, ce qui excluait la possibilité d’un reversement puisque les opérateurs français ne collectaient pas le prix des communications auprès d’appelants situés à l’étranger. La cour d’appel a estimé que Verizon était fondée à refuser le paiement de factures émises par Budget Télécom sur la base de simples relevés de trafic téléphonique, alors que les sommes n’avaient jamais été reçues et donc payées.

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