Pas d’authentification forte exigée : remboursement du client

Dans un arrêt du 30 septembre 2023, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation rappelle que, sauf agissement frauduleux du client d’une banque, ce dernier ne supporte aucune conséquence financière si une opération de paiement non autorisée a été effectuée sans que le prestataire de services de paiement du payeur n’exige une authentification forte du payeur, prévue par l’article L. 133-44 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 9 août 2017.
Dans cette affaire, une personne avait, en réponse à un appel téléphonique et à un message, communiqué à un interlocuteur qu’elle pensait être un employé de sa banque le code à six chiffres, dénommé « 3D Secure », destiné à valider les paiements par internet à partir de son compte. Suite à cet échange, un paiement avait été effectué sans qu’elle en soit à l’origine, et sa banque avait refusé de lui rembourser la somme qui avait été prélevée à ce titre et de réparer son préjudice. La banque avait opposé un refus au motif que sa cliente aurait commis une négligence grave en communiquant volontairement un code de sécurité validant une opération financière à une personne extérieure. Ce raisonnement a été approuvé par le tribunal judiciaire par un jugement du 13 janvier 2022, rendu en dernier ressort. La Cour de cassation l’a cependant rejeté. « En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui incombait, si l’opération de paiement litigieuse avait été exécutée sans que la banque exige l’authentification forte du payeur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » a déclaré la Cour cassant le jugement dans toutes ses dispositions.

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Des images en ligne d’insignes nazis ne constituent pas une exhibition en public

Le fait de diffuser sur un site internet des photos d’objets militaires comportant des insignes nazis, dans le but de les vendre, ne caractérise pas une exhibition en public d’uniformes, insignes ou emblèmes rappelant ceux d’organisations ou de personnes responsables de crimes contre l’humanité, prévue à l’article R. 645-1 du code pénal. Dans un arrêt du 5 septembre 2023, la Cour de cassation rappelle que « l’exhibition en public, au sens de l’article R. 645-1 du code pénal, suppose de produire de façon ostentatoire à la vue d’autrui l’un des objets énumérés par ce texte, reproduisant, par cette action, les agissements des membres des organisations responsables de crimes contre l’humanité. Dès lors, le fait de fixer et de diffuser l’image de ces seuls objets, par quelque moyen de communication que ce soit, ne caractérise pas la contravention susvisée. ».
Une personne proposait à la vente aux particuliers, sur son site internet, des objets ayant appartenu au IIIème Reich, représentés par des photos dont seule une partie avait été floutée, accompagnés d’une notice descriptive détaillée. Une enquête préliminaire avait été ouverte à la suite d’un signalement et le gérant du site internet avait été relaxé du chef de la contravention en cause par jugement du 14 septembre 2021, puis condamné par la cour d’appel de Rouen par une décision du 13 juillet 2022.

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Plateforme d’avis : condamnation pour incitation au dénigrement

Par un jugement du 25 mai 2023, le tribunal de commerce de Paris a condamné la société Gowork à verser respectivement aux sociétés Socateb et la Galerie de l’Échaudé la somme de 2 000 euros pour réparer leur préjudice moral au titre de l’incitation au dénigrement et du non-respect des obligations de transparence incombant aux plateformes de collecte d’avis. Le tribunal a estimé que « la manière dont Gowork se rémunère, par le biais d’annonces non contrôlées et vérifiées associées à des publicités non ciblées, fait peser sur Socateb une charge, d’où un préjudice ».
La société Gowork exploite le site Gowork.fr sur lequel les internautes peuvent déposer des avis anonymes. Le 9 mars 2022, Socateb a fait établir un constat d’huissier relevant la présence sur ce site de fiches d’avis la concernant, ainsi que la Galerie de l’Échaudé car elle considère que ces fiches portent préjudice à sa communication et à son image, en raison de l’affichage d’avis anonymes non vérifiés, associés à des publicités contestables. Faute de n’avoir pas pu obtenir le retrait des contenus litigieux, elle a assigné Gowork en réparation de son préjudice.
Le tribunal juge que l’information fournie par Gowork sur le type d’avis qu’elle publie, sur leur nature non vérifiée, leur caractère anonyme, ne satisfait pas les conditions de l’article L 117-7-2 du code de la consommation qui impose aux plateformes d’avis une information loyale, claire et transparente sur les modalités de publication et de traitement des avis mis en ligne. Sur le dénigrement allégué par Socateb, le tribunal relève que la consultation de la fiche d’une entreprise fait apparaître des avis et des publicités dont le caractère non pertinent voire « farfelu » est manifeste. Cela oblige les entreprises comme Socateb, soucieuses de leur image, à exercer une surveillance constante du site pour y déceler les avis inappropriés, et les faire corriger ou en demander le retrait. Pour le tribunal, le préjudice ne vient pas de la mise en ligne des avis anonymes, dont Socateb peut demander la correction ou la suppression, mais de la nécessité pour elle d’éviter l’association à des publicités sans cohérence avec l’activité et l’image de l’entreprise, et qui ne peuvent que lui nuire.

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Le Monde condamné pour dénigrement à l’encontre de Francesoir.fr

Par un jugement du 19 juin 2023, le tribunal de commerce de Paris a considéré que « la critique du Monde à l’encontre de Francesoir qui vise son service d’information en ligne et qui constitue son seul moyen de diffusion de l’information est susceptible de lui porter une atteinte grave à son modèle économique et menace ainsi son existence même, ce qui contrevient à la libre concurrence et à la liberté du commerce ». Il en conclut que Le Monde s’est rendu coupable de concurrence déloyale par dénigrement en affirmant dans sa rubrique Decodex et dans plusieurs articles que le site France Soir est un « blog complotiste » qui diffuse de fausses informations. En conséquence, elle condamne le quotidien créé par Hubert Beuve Méry à verser à Shopper Union France, société éditrice de francesoir.fr, 25 000 € en réparation de l’atteinte portée à son image de marque et à sa légitimité.
Comme il s’agit d’une demande au titre de dénigrement, le tribunal a commencé par constater que les deux acteurs sont en situation de concurrence sur la diffusion d’informations en ligne. Puis il reconnaît que les propos du Monde sont dénigrants. Il commence par relever que France Soir possède bien un agrément auprès de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) et que contrairement à ce qui est prétendu, elle emploie des journalistes possédant une carte de presse. Sur l’affirmation de fausse information, il constate qu’elle n’est nullement démontrée. Il en résulte que « la qualification, pour un média de renom bénéficiant de la confiance des lecteurs d’attention moyenne et non avisés, de fausse information s’agissant du site de Francesoir dépasse la mesure à laquelle tout opérateur est tenu en critiquant un concurrent et lui cause ainsi un préjudice d’image indéniable ». Le tribunal ajoute que l’utilisation du terme « blog » « est également dénigrante dès lors que tout à chacun est libre de s’exprimer par ce biais, ce qui ne saurait qualifier un organe d’information officiellement reconnu ». Si le tribunal accorde des dommages-intérêts à Shopper Union, il rejette sa demande de suppression du Decodex du Monde le référencement de Francesoir.fr car elle n’est ni justifiée ni proportionnée. Il estime que « le déréférencement d’un média, apparait excéder les pouvoirs qui lui sont dévolus, eu égard au principe de la liberté d’information et à la pluralité des médias, cette demande pouvant s’apparenter à une censure, illicite par nature ».

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Refus de communiquer les données d’identification : appel de Wikimedia radié

Par un arrêt du 22 juin 2023, le premier président de la cour d’appel de Paris prononce la radiation de l’appel de la société Wikimedia Foundation Inc pour défaut d’exécution de l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Paris du 21 décembre 2022 qui l’obligeait à communiquer les données d’identification du créateur d’une page Wikipedia.
Opposée par principe à la communication des données d’identification de ses utilisateurs, Wikimedia Foundation Inc., hébergeur du site Wikipedia, a interjeté appel de l’ordonnance de référé du 21 décembre 2022 qui l’avait condamnée, avec exécution provisoire, à fournir aux demandeurs les données d’identité civile et l’adresse email dudit utilisateur, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Or, comme Wikimedia n’a pas exécuté la décision en référé, la société Noctis Event et son dirigeant, à l’origine de l’action, ont assigné Wikimedia en référé devant le premier président de la cour d’appel de Paris pour obtenir la radiation de son appel. Par une ordonnance du 22 juin 2023, il leur a donné gain de cause.
Wikimedia Foundation Inc n’invoque pas une impossibilité d’exécution mais « des conséquences manifestement excessives s’agissant de la condamnation à communiquer les données d’identification prononcée contre elle ». L’ordonnance remet en cause cette affirmation. Contrairement à la position de Wikimedia, le premier président de la Cour d’appel de Paris estime que l’exécution immédiate de la communication des données d’identification n’aurait pas de conséquences manifestement excessives pour l’appelant qui devra donc communiquer les données si elle veut voir son appel jugé au fond. Puis il rappelle que Wikimedia n’est pas partie à l’affaire qui oppose Noctis Event et son dirigeant à l’utilisateur de la page Wikipedia qui avait créé une page Wikipedia au sujet de cette société dans laquelle figurait des éléments malveillants sur ce dernier, tant au niveau de sa vie professionnelle que de sa vie privée. Ensuite, il explique que si un appel devait infirmer la demande de communication des données, leurs bénéficiaires seraient dans l’impossibilité juridique de s’en prévaloir dans le cadre de leur action au fond. Enfin, il juge que la communication immédiate des données d’identification n’est pas de nature à empêcher la cour de statuer sur le mérite de l’appel formé par la société Wikimedia Foundation Inc contre l’ordonnance de référé du 21 décembre 2022, ladite société n’étant donc nullement privée d’un double degré de juridiction.

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Le modèle de covoiturage de Citygo validé

Par un jugement du 7 juin 2023, le tribunal de commerce de Nanterre a considéré que la plateforme Citygo respecte les obligations en matière de co-voiturage imposées par l’article L.3132-1 du code des transports et qu’en conséquence elle n’a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle et à justifier une action en concurrence déloyale de la part de Heetch, qui est déboutée de toutes ses demandes.
Citygo est une plateforme de mise en relation de conducteurs et de passagers dans le but d’effectuer des trajets en covoiturage. Heetch, qui est une plateforme qui met en relation des passagers et des voitures de transport avec chauffeur, estimait que Citygo se livrait à une concurrence déloyale à son égard en ne respectant pas la réglementation. L’article L. 3132-1 lui impose en effet deux obligations essentielles : transporter des passagers à l’occasion de trajets effectués pour leur compte propre et ne pas en tirer de bénéfice. Avant de de se prononcer sur le respect de ces obligations, les juges rappellent que « Si Citygo ne peut être tenue pour responsable des agissements des conducteurs qui ne respectent pas les dispositions de l’article L.3132-1 du code des transports, elle a l’obligation non seulement de ne pas se rendre délibérément complice de tels agissements, mais encore de mettre en place les moyens d’information, techniques, de surveillance et de sanction de nature à prévenir les comportements frauduleux et, au besoin, d’interdire l’accès à sa plateforme aux utilisateurs coupables de tels agissements ».
Sur les conditions financières, le tribunal estime que les règles utilisées par l’application Citygo conduisent à restituer au conducteur un montant inférieur au coût d’utilisation de son véhicule et respectent donc les dispositions légales. S’agissant de la question des trajets effectués, ou non, pour le compte propre des conducteurs, le tribunal relève que cette information ne peut être contrôlée strictement par la plateforme. Mais les juges constatent toutefois que les algorithmes de Citygo suivent des règles visant à prévenir et limiter les agissements illégaux des conducteurs. De plus, le tribunal note que la plateforme a mis en place un contrôle pour éviter les comptes multiples pour un même utilisateur, un outil de signalement permettant aux utilisateurs de dénoncer les pratiques anormales et d’exclure les conducteurs indélicats.

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Plateforme de commerçants, intermédiaire mais pas vendeur

Par un jugement du 24 mai 2023, le tribunal judiciaire de Dijon a rejeté l’action en responsabilité contractuelle engagée par un consommateur contre une plateforme en ligne, intermédiaire pour la vente et l’achat de montres de valeur, au motif qu’elle n’a pas la qualité de vendeur. Les faits reprochés datent de 2016, or la nouvelle rédaction de l’article L.217-1 du code de la consommation, qui assimile désormais au vendeur « toute personne se présentant ou se comportant comme tel », n’est pas applicable aux contrats conclus avant le 1er janvier 2022.
Dans cette affaire, un Français avait acheté une montre Rolex pour près de 9 500 € sur un site allemand qui propose des produits de luxe mis en vente par des commerçants. A la suite du décollement d’un morceau du cadran, le consommateur a cherché à le faire réparer. Mais la société Rolex a indiqué qu’aucune réparation n’était possible car le cadran n’avait pas été réalisé par une entreprise autorisée par elle et que la montre devait être une contrefaçon. Le consommateur a donc assigné la plateforme de ventes en ligne pour obtenir la restitution du prix. Mais le tribunal a rejeté sa demande car la version actuelle de l’article L. 217-1 du code de la consommation n’est entrée en vigueur que le 1er janvier 2022 et n’est donc pas applicable au cas d’espèce. Le tribunal s’est donc référé à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 9 novembre 2016 (C-149/15) qui considère que la notion de vendeur « doit être interprétée en ce sens qu’elle vise également un professionnel agissant comme intermédiaire pour le compte d’un particulier, qui n’a pas dûment informé le consommateur acheteur du fait que le propriétaire du bien est un particulier ». Le jugement relève que les mentions du site sont en l’occurrence suffisamment explicites pour écarter toute confusion.

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Diffusion d’images au-delà du délai autorisé : atteinte à la vie privée

Dans une affaire concernant la diffusion de photos érotiques sur internet au-delà du terme du contrat, le tribunal judiciaire de Paris a considéré que l’article 9 du code civil devait être utilisé comme fondement juridique à l’expiration d’une autorisation d’utilisation de droit à l’image, et non la responsabilité contractuelle. Par son jugement du 17 mai 2023, le tribunal condamne le photographe, responsable éditorial du site sur lequel sont publiées les photos, à verser 3 000 € à la femme modèle en réparation de son préjudice moral et 3 000 € au titre de l’article 700 du CPC.
En 2009, une femme avait conclu un contrat de cession avec un photographe l’autorisant à faire un usage commercial de l’ensemble des photos et vidéos d’elle et notamment à les mettre en ligne, pour une durée de 10 ans. En 2021, elle a fait constater par huissier le maintien en ligne de 116 photos et vidéos de sa personne et a sollicité leur retrait ainsi qu’une indemnisation frauduleuse et commerciale de ces images. Le photographe a retiré les clichés mais a refusé de verser l’indemnité du fait de l’audience confidentielle de son site. Le tribunal a donné gain de cause à la modèle et a confirmé qu’elle avait agi sur le bon fondement juridique, celui de l’article 9 du code civil et de la violation de son droit à l’image.
Le photographe estimait que l’action aurait dû être fondée sur le régime de la responsabilité contractuelle et non extracontractuelle car les faits litigieux se rattachaient à l’exécution du contrat et plus précisément « au prétendu manquement à l’obligation librement définie par les parties de ne pas poursuivre la diffusion des matériels en question ». Or, à compter du 25 mai 2019, il n’existait plus aucun lien contractuel entre les deux parties, l’autorisation de diffusion des images litigieuses ayant expiré et aucune disposition de ce contrat ne prévoyait que les parties seraient tenues par des obligations au-delà du terme de celui-ci. « Déduire des stipulations du contrat, et de la circonstance que la diffusion litigieuse est la continuation d’une publication licite antérieure, l’existence d’une obligation contractuelle, générale et sans terme défini, de ne pas poursuivre la diffusion de l’image de la demanderesse irait ainsi à l’encontre de l’économie générale de l’autorisation accordée et reviendrait à permettre la poursuite artificielle du contrat au-delà de sa date d’expiration, précisément fixée par les parties conformément aux règles applicables en matière de cession de droit à l’image. », rappelle le tribunal.

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Correspondance privée : messages WhatsApp assimilés à des SMS

Par un arrêt du 23 avril 2023, la cour d’appel de Paris a considéré que des échanges WhatsApp devaient être assimilés aux SMS lorsqu’ils sont échangés dans les mêmes conditions. Dans le cadre d’un conflit entre une société et des ex-salariés, elle a jugé que l’employeur pouvait accéder aux messages non spécifiés « personnels » d’un groupe WhatsAPP dans le téléphone professionnel d’ex-salariés. « L’installation et l’accès à l’application WhatsApp ne sont pas subordonnés à l’utilisation d’une adresse email personnelle, mais seulement à un numéro de téléphone, en l’occurrence le numéro de téléphone professionnel dont le titulaire de la ligne est Kaufman &t Broad, en sorte qu’est ici applicable, par analogie, la présomption du caractère professionnel posée par la Cour de cassation pour les SMS, aux termes de laquelle « Les messages écrits, SMS envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail, sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels ».», a déclaré la cour.
La société K & B suspectait la société Coffim et quatre anciens salariés ayant rejoint cette société, d’actes de concurrence déloyale et envisageait à leur encontre une action en responsabilité. En l’absence de clause de non-concurrence liant ces ex-salariés, K & B devait établir la preuve d’agissements anti-concurrentiels. Sur le fondement de l’article 145 du CPC, un huissier a été chargé de procéder à des investigations aux domiciles des ex-salariés et au siège de Coffim. Cette dernière s’est opposée à l’exécution de cette mission dans ses locaux. En conséquence, une ordonnance de référé, rendue le 8 juin 2022 par le tribunal de commerce de Paris, a contraint Coffim de permettre l’exécution de la mesure d’instruction. Celle-ci a saisi le tribunal de commerce de Paris pour obtenir la rétractation de l’ordonnance qui ne lui a pas donné gain de cause. Coffim a fait appel de cette décision.
Les investigations qui ont été menées sur les ordinateurs professionnels et téléphones d’ex-salariés sont venus renforcer les soupçons. En plus des transferts d’emails de leur messagerie professionnelle vers leur messagerie personnelle, s’y ajoute une correspondance WhasApp entre les quatre salariés. Comme motif de rétractation de l’ordonnance de référé, ces derniers ont tenté de faire valoir qu’il s’agissait d’une correspondance privée. Après avoir identifié le caractère présumé professionnel de ces échanges, non identifiés par le salarié comme personnels, la cour a estimé que K & B pouvait y avoir accès en dehors de la présence de son salarié. Le tribunal rappelle en outre que le respect de la vie personnelle du salarié ne constitue pas en lui-même un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile dès lors que le juge constate que les mesures qu’il ordonne procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicités. La cour a constaté en effet que la production des échanges WhatsApp appréhendés sur le téléphone portable professionnel était indispensable au droit à la preuve de K & B. Elle en conclut que l’atteinte à la vie privée des salariés est proportionnée au but recherché.

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Mots clés pour la vente illicite de billets de spectacle : Google condamné en appel

Par un arrêt très motivé du 29 mars 2023, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Paris qui avait interdit à Google de permettre l’achat de mots-clés « achat/vente, billets/tickets et spectacle/concert » via Google Ads pour toute annonce destinée à un public situé en France, en vue de la vente de billets de spectacle sans autorisation écrite du producteur du spectacle concerné. Elle a, en revanche, infirmé le jugement sur le montant des dommages-intérêts accordés au syndicat Prodiss (Syndicat national des producteurs, diffuseurs, festivals et salles de spectacle musical et de variété) qui était de 40 000 € pour le fixer à 300 000 €, en réparation des préjudices directs ou indirects portés à l’intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat. Elle a également augmenté la somme à verser au titre de l’article 700 du code de procédure civile, passant de 20 000 € à 60 000 €. Par ailleurs, alors que seule Google Ireland avait été condamnée en première instance, la cour d’appel a estimé que Google France, interlocuteur unique lors des échanges préalables à l’instance de Prodiss, devait être condamnée solidairement avec la société Google Ireland.
Prodiss avait constaté sur le moteur de recherche Google la présence d’annonces publicitaires de ventes de billets de spectacle de Rammstein, Grand corps malade, Drake ou Metallica renvoyant vers des sites non autorisés à les vendre par les producteurs. Comme le tribunal judiciaire, la cour a estimé que Google Ireland avait engagé sa responsabilité en fournissant le service publicitaire Google Ads à des professionnels qui offrent à la vente des billets de spectacle sans autorisation. En effet, l’article 313-6-2 du code pénal prohibe la vente de billets de spectacle, réalisée de manière habituelle, et sans l’autorisation du producteur ou de l’organisateur de spectacle. Google s’était défendue prétendant qu’une annonce Google Ads ne constitue qu’une simple communication commerciale qui ne permet pas de vendre ou d’offrir à la vente des billets de spectacle et que l’article 313-6-2 du code pénal ne permettrait pas de réprimer l’activité des plateformes d’intermédiation assurant la revente occasionnelle ou autorisée de billets de spectacles. La cour a objecté que « tant de la lettre de l’article 313-6-2 que de son interprétation par le Conseil constitutionnel (point 8 de la décision) que le législateur a inclus dans le champ de la répression les personnes ayant de manière habituelle exposé ou fourni les moyens en vue de la vente de titres d’accès à un spectacle ». Par ailleurs, Google avait revendiqué l’application de l’article 6 I 2° de la LCEN limitant la responsabilité de l’hébergeur. Mais la cour a rejeté ce moyen au motif que Google avait été informée de la vente non autorisée des billets et avait donc eu connaissance de leur caractère illicite.

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