Plateforme de commerçants, intermédiaire mais pas vendeur

Par un jugement du 24 mai 2023, le tribunal judiciaire de Dijon a rejeté l’action en responsabilité contractuelle engagée par un consommateur contre une plateforme en ligne, intermédiaire pour la vente et l’achat de montres de valeur, au motif qu’elle n’a pas la qualité de vendeur. Les faits reprochés datent de 2016, or la nouvelle rédaction de l’article L.217-1 du code de la consommation, qui assimile désormais au vendeur « toute personne se présentant ou se comportant comme tel », n’est pas applicable aux contrats conclus avant le 1er janvier 2022.
Dans cette affaire, un Français avait acheté une montre Rolex pour près de 9 500 € sur un site allemand qui propose des produits de luxe mis en vente par des commerçants. A la suite du décollement d’un morceau du cadran, le consommateur a cherché à le faire réparer. Mais la société Rolex a indiqué qu’aucune réparation n’était possible car le cadran n’avait pas été réalisé par une entreprise autorisée par elle et que la montre devait être une contrefaçon. Le consommateur a donc assigné la plateforme de ventes en ligne pour obtenir la restitution du prix. Mais le tribunal a rejeté sa demande car la version actuelle de l’article L. 217-1 du code de la consommation n’est entrée en vigueur que le 1er janvier 2022 et n’est donc pas applicable au cas d’espèce. Le tribunal s’est donc référé à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 9 novembre 2016 (C-149/15) qui considère que la notion de vendeur « doit être interprétée en ce sens qu’elle vise également un professionnel agissant comme intermédiaire pour le compte d’un particulier, qui n’a pas dûment informé le consommateur acheteur du fait que le propriétaire du bien est un particulier ». Le jugement relève que les mentions du site sont en l’occurrence suffisamment explicites pour écarter toute confusion.

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Diffusion d’images au-delà du délai autorisé : atteinte à la vie privée

Dans une affaire concernant la diffusion de photos érotiques sur internet au-delà du terme du contrat, le tribunal judiciaire de Paris a considéré que l’article 9 du code civil devait être utilisé comme fondement juridique à l’expiration d’une autorisation d’utilisation de droit à l’image, et non la responsabilité contractuelle. Par son jugement du 17 mai 2023, le tribunal condamne le photographe, responsable éditorial du site sur lequel sont publiées les photos, à verser 3 000 € à la femme modèle en réparation de son préjudice moral et 3 000 € au titre de l’article 700 du CPC.
En 2009, une femme avait conclu un contrat de cession avec un photographe l’autorisant à faire un usage commercial de l’ensemble des photos et vidéos d’elle et notamment à les mettre en ligne, pour une durée de 10 ans. En 2021, elle a fait constater par huissier le maintien en ligne de 116 photos et vidéos de sa personne et a sollicité leur retrait ainsi qu’une indemnisation frauduleuse et commerciale de ces images. Le photographe a retiré les clichés mais a refusé de verser l’indemnité du fait de l’audience confidentielle de son site. Le tribunal a donné gain de cause à la modèle et a confirmé qu’elle avait agi sur le bon fondement juridique, celui de l’article 9 du code civil et de la violation de son droit à l’image.
Le photographe estimait que l’action aurait dû être fondée sur le régime de la responsabilité contractuelle et non extracontractuelle car les faits litigieux se rattachaient à l’exécution du contrat et plus précisément « au prétendu manquement à l’obligation librement définie par les parties de ne pas poursuivre la diffusion des matériels en question ». Or, à compter du 25 mai 2019, il n’existait plus aucun lien contractuel entre les deux parties, l’autorisation de diffusion des images litigieuses ayant expiré et aucune disposition de ce contrat ne prévoyait que les parties seraient tenues par des obligations au-delà du terme de celui-ci. « Déduire des stipulations du contrat, et de la circonstance que la diffusion litigieuse est la continuation d’une publication licite antérieure, l’existence d’une obligation contractuelle, générale et sans terme défini, de ne pas poursuivre la diffusion de l’image de la demanderesse irait ainsi à l’encontre de l’économie générale de l’autorisation accordée et reviendrait à permettre la poursuite artificielle du contrat au-delà de sa date d’expiration, précisément fixée par les parties conformément aux règles applicables en matière de cession de droit à l’image. », rappelle le tribunal.

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Correspondance privée : messages WhatsApp assimilés à des SMS

Par un arrêt du 23 avril 2023, la cour d’appel de Paris a considéré que des échanges WhatsApp devaient être assimilés aux SMS lorsqu’ils sont échangés dans les mêmes conditions. Dans le cadre d’un conflit entre une société et des ex-salariés, elle a jugé que l’employeur pouvait accéder aux messages non spécifiés « personnels » d’un groupe WhatsAPP dans le téléphone professionnel d’ex-salariés. « L’installation et l’accès à l’application WhatsApp ne sont pas subordonnés à l’utilisation d’une adresse email personnelle, mais seulement à un numéro de téléphone, en l’occurrence le numéro de téléphone professionnel dont le titulaire de la ligne est Kaufman &t Broad, en sorte qu’est ici applicable, par analogie, la présomption du caractère professionnel posée par la Cour de cassation pour les SMS, aux termes de laquelle « Les messages écrits, SMS envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail, sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels ».», a déclaré la cour.
La société K & B suspectait la société Coffim et quatre anciens salariés ayant rejoint cette société, d’actes de concurrence déloyale et envisageait à leur encontre une action en responsabilité. En l’absence de clause de non-concurrence liant ces ex-salariés, K & B devait établir la preuve d’agissements anti-concurrentiels. Sur le fondement de l’article 145 du CPC, un huissier a été chargé de procéder à des investigations aux domiciles des ex-salariés et au siège de Coffim. Cette dernière s’est opposée à l’exécution de cette mission dans ses locaux. En conséquence, une ordonnance de référé, rendue le 8 juin 2022 par le tribunal de commerce de Paris, a contraint Coffim de permettre l’exécution de la mesure d’instruction. Celle-ci a saisi le tribunal de commerce de Paris pour obtenir la rétractation de l’ordonnance qui ne lui a pas donné gain de cause. Coffim a fait appel de cette décision.
Les investigations qui ont été menées sur les ordinateurs professionnels et téléphones d’ex-salariés sont venus renforcer les soupçons. En plus des transferts d’emails de leur messagerie professionnelle vers leur messagerie personnelle, s’y ajoute une correspondance WhasApp entre les quatre salariés. Comme motif de rétractation de l’ordonnance de référé, ces derniers ont tenté de faire valoir qu’il s’agissait d’une correspondance privée. Après avoir identifié le caractère présumé professionnel de ces échanges, non identifiés par le salarié comme personnels, la cour a estimé que K & B pouvait y avoir accès en dehors de la présence de son salarié. Le tribunal rappelle en outre que le respect de la vie personnelle du salarié ne constitue pas en lui-même un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile dès lors que le juge constate que les mesures qu’il ordonne procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicités. La cour a constaté en effet que la production des échanges WhatsApp appréhendés sur le téléphone portable professionnel était indispensable au droit à la preuve de K & B. Elle en conclut que l’atteinte à la vie privée des salariés est proportionnée au but recherché.

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Mots clés pour la vente illicite de billets de spectacle : Google condamné en appel

Par un arrêt très motivé du 29 mars 2023, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Paris qui avait interdit à Google de permettre l’achat de mots-clés « achat/vente, billets/tickets et spectacle/concert » via Google Ads pour toute annonce destinée à un public situé en France, en vue de la vente de billets de spectacle sans autorisation écrite du producteur du spectacle concerné. Elle a, en revanche, infirmé le jugement sur le montant des dommages-intérêts accordés au syndicat Prodiss (Syndicat national des producteurs, diffuseurs, festivals et salles de spectacle musical et de variété) qui était de 40 000 € pour le fixer à 300 000 €, en réparation des préjudices directs ou indirects portés à l’intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat. Elle a également augmenté la somme à verser au titre de l’article 700 du code de procédure civile, passant de 20 000 € à 60 000 €. Par ailleurs, alors que seule Google Ireland avait été condamnée en première instance, la cour d’appel a estimé que Google France, interlocuteur unique lors des échanges préalables à l’instance de Prodiss, devait être condamnée solidairement avec la société Google Ireland.
Prodiss avait constaté sur le moteur de recherche Google la présence d’annonces publicitaires de ventes de billets de spectacle de Rammstein, Grand corps malade, Drake ou Metallica renvoyant vers des sites non autorisés à les vendre par les producteurs. Comme le tribunal judiciaire, la cour a estimé que Google Ireland avait engagé sa responsabilité en fournissant le service publicitaire Google Ads à des professionnels qui offrent à la vente des billets de spectacle sans autorisation. En effet, l’article 313-6-2 du code pénal prohibe la vente de billets de spectacle, réalisée de manière habituelle, et sans l’autorisation du producteur ou de l’organisateur de spectacle. Google s’était défendue prétendant qu’une annonce Google Ads ne constitue qu’une simple communication commerciale qui ne permet pas de vendre ou d’offrir à la vente des billets de spectacle et que l’article 313-6-2 du code pénal ne permettrait pas de réprimer l’activité des plateformes d’intermédiation assurant la revente occasionnelle ou autorisée de billets de spectacles. La cour a objecté que « tant de la lettre de l’article 313-6-2 que de son interprétation par le Conseil constitutionnel (point 8 de la décision) que le législateur a inclus dans le champ de la répression les personnes ayant de manière habituelle exposé ou fourni les moyens en vue de la vente de titres d’accès à un spectacle ». Par ailleurs, Google avait revendiqué l’application de l’article 6 I 2° de la LCEN limitant la responsabilité de l’hébergeur. Mais la cour a rejeté ce moyen au motif que Google avait été informée de la vente non autorisée des billets et avait donc eu connaissance de leur caractère illicite.

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Injures sur Facebook : pas d’excuse de provocation

« La riposte invoquée n’étant ni proche dans le temps, ni proportionnée à l’attaque dont il est plaidé qu’elle la justifierait, l’excuse de provocation ne peut exonérer Monsieur Y. de sa responsabilité, de sorte qu’il doit être condamné pour ces faits », a expliqué le tribunal judiciaire de Paris dans son jugement du 3 avril 2023. Il condamne donc le prévenu pour injure publique envers un particulier pour avoir publié au sujet d’un politologue spécialiste du complotisme les quatre expressions poursuivies : « l’autre taré de Monsieur X. », « pauvre con », « fou dangereux », « immonde pervers ». Le tribunal estime que ces termes ne comportent pas de référence à un fait précis, dont la preuve pourrait être débattue. « Ces termes sont outrageants, en ce qu’il renvoient Monsieur X. à une forme· de folie dangereuse, de perversion, et qu’ils usent d’un vocabulaire grossier – « con » – et dégradant – «-immonde » – pour donner de lui une image très dévalorisante, de sorte qu’il devra être considéré que ces propos revêtent indéniablement un caractère méprisant et outrageant caractérisant l’injure », juge-t-il. Et il le condamne à 500 € d’amende avec sursis, 800 € de dommages-intérêts pour réparer le préjudice moral de la partie civile et 2 500 € au titre des frais qu’elle a engagés.

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Modération : pourvoi en cassation de Twitter rejeté

Grâce à une ordonnance de la Cour de cassation du 23 mars 2023, on devrait en savoir plus sur les moyens effectifs consacrés par Twitter à la modération. Les juges suprêmes ont fait droit à la demande de l’UEJF, SOS Racisme, la Licra, J’accuse, SOS Homophobie et le Mrap de radier le pourvoi formé par Twitter contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 janvier 2022. Cette dernière avait condamné la société américaine à communiquer, dans un délai de deux mois, aux associations de lutte contre le racisme « tout document administratif, contractuel, technique, ou commercial relatif aux moyens matériels et humains mis en œuvre dans le cadre du service Twitter pour lutter contre la diffusion des infractions d’apologie de crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle, l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine ».
Le réseau social n’avait pas exécuté l’ordonnance de référé bien qu’elle était exécutoire. Quant à l’exécution de la décision d’appel, elle a été insuffisante, a constaté la Cour de cassation. « La lettre du conseil de la société Twitter International Unlimited Company ne peut être considérée satisfaisante, au regard de l’exigence de production, aux termes de l’arrêt, de documents administratif, contractuel, technique, ou commercial internes à l’entreprise, relatifs aux moyens matériels et humains mis en œuvre dans le cadre du service Twitter pour lutter contre la diffusion des infractions d’apologie de crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle, l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine. » Par ailleurs, ce document sans indication de destinataires ne contient que « des informations générales, imprécises, parcellaires et insuffisantes ainsi que des données chiffrées dont on ne sait si elles concernent le monde entier ou seulement la France, en tout cas non corroborées par des documents internes concernant la plateforme française sur la période concernée du 18 mai 2020 au 9 juillet 2021 ». La Cour de cassation conclut « de l’insuffisance des informations communiquées au regard des exigences de l’arrêt pour la part non contestée par la société au regard de son obligation légale de rendre publics les moyens qu’elle consacre à la lutte contre les activités illicites, il ne peut être valablement allégué par la société Twitter International Unlimited Company une atteinte à son droit d’accès au juge ».
A la suite du rejet de son pourvoi, Twitter devra donc communiquer « tout document administratif, contractuel, technique ou commercial relatif aux moyens matériels et humains mis en œuvre » pour « lutter contre la diffusion des infractions d’apologie de crimes contre l’humanité, d’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe », et détailler « le nombre, la localisation, la nationalité, la langue des personnes affectées au traitement des signalements provenant des utilisateurs de la plateforme française », « le nombre de signalements », « les critères et le nombre des retraits subséquents » ainsi que « le nombre d’informations transmises aux autorités publiques compétentes, en particulier au parquet ».
Twitter peut-il encore se dérober ?

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Escroqueries sur Abritel.fr : le site responsable en tant qu’éditeur

Par une décision du 21 février 2023, le tribunal judiciaire de Paris a considéré que « la société Homeawayuk Limited ne saurait prétendre avoir exercé, dans l’exploitation de la plate-forme abritel.fr, le rôle d’un hébergeur purement passif, dont la conséquence aurait été une responsabilité civile limitée. Il y a lieu en l’espèce d’envisager la responsabilité de la société selon les critères de la responsabilité contractuelle de droit commun ». Après avoir procédé à l’analyse des faits reprochés par 67 plaignants, utilisateurs de la plateforme victimes d’une escroquerie, le tribunal a estimé que la société éditrice d’Arbritel.fr n’était pas exempte de toute responsabilité, même si les demandeurs ont participé largement à leur préjudice par des comportements imprudents. Il estime donc la part de préjudice correspondant à la responsabilité de la société à 40 % du montant des sommes payées par les demandeurs aux faux propriétaires.
67 utilisateurs de la plateforme avaient effectué des réservations de location à partir d’annonces figurant sur le site qui invitaient les intéressés à entrer directement en contact avec le prétendu propriétaire via l’adresse email affichée sur l’annonce. L’annonce en question figurait sur un encadré apparemment ajouté par incrustation sur les pages du site consultable par les vacanciers, dans un emplacement réservé à une photo. Les plaignants considérant qu’Abritel portait une responsabilité manifeste pour les escroqueries dont ils ont été victimes l’ont assignée en responsabilité et ont chacun respectivement réclamé entre 1 000 et 6 000 € pour l’indemnisation du préjudice subi.
Le tribunal a commencé par se prononcer sur le statut d’éditeur d’Arbitel.fr en estimant que la plateforme prenait une part active dans la diffusion des annonces, notamment en validant l’inscription des propriétaires, en fixant le contenu des annonces, en se réservant le droit discrétionnaire d’évaluer la pertinence des annonces publiées par rapport aux conditions générales, etc. Le tribunal a ensuite recherché si le site avait commis une faute. S’il a considéré que les escroqueries n’avaient pas pour origine une faute ou un dysfonctionnement du site, il a mis en cause sa responsabilité en raison de ses ambiguïtés. Il a constaté par exemple qu’aucun avertissement général ne figurait sur le site pour mettre en garde l’utilisateur sur les risques de parasitage de contenus ou que les éléments d’information publiés n’étaient pas mis en exergue ou étaient mélangés à des informations diverses. Même la garantie était formulée de manière ambiguë constate le tribunal qui juge que la responsabilité civile du site est engagée.

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Vie privée : un salarié peut obtenir les bulletins de ses collègues

Par un arrêt du 8 mars 2023, la Cour de cassation rappelle que le droit à la protection des données personnelles n’est pas un droit absolu et est mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, en conformité avec le principe de proportionnalité. En conséquence, elle a validé le fait que la « communication d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’autres salariés était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de la salariée à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail ».
Dans cette affaire, une femme avait occupé le poste de responsable projets transverses dérivés (chief operating officer ou COO) avant d’être nommée directrice « stratégie et projets groupe » de sa société. Elle a été licenciée deux ans après. Considérant avoir subi une inégalité salariale par rapport à certains collègues masculins occupant ou ayant occupé des postes de COO, elle a saisi la formation de référé de la juridiction prud’homale, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, pour obtenir la communication d’éléments de comparaison détenus par ses deux employeurs successifs. La cour d’appel lui a donné gain de cause en autorisant la communication des bulletins de salaires de huit autres salariés occupant des postes de niveau comparable au sien dans des fonctions d’encadrement, commerciales ou de marché, avec occultation des données personnelles à l’exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée et de la rémunération brute totale cumulée par année civile. La Cour de cassation a validé l’arrêt de la cour d’appel. Elle a en effet rappelé que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle. Pour cela, le juge doit « rechercher si cette communication n’est pas nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de l’inégalité de traitement alléguée et proportionnée au but poursuivi et s’il existe ainsi un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, ensuite, si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, de vérifier quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitée ».

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Publications scientifiques diffusées sans droit : blocage de 183 noms de domaine

À la demande des sociétés des groupes Elsevier et Springer, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné à Free, SFR, Bouygues Télécom et Orange de bloquer, à leur frais, l’accès par leurs abonnés pendant 18 mois, à 183 url des sites Sci-hub et Libgen, diffusant sans autorisation les publications scientifiques qu’elles éditent. Le jugement précise qu’en cas d’évolution du litige par la mise en place de mesures de contournement par les sites en question, les éditeurs pourraient saisir le juge des référés de cette juridiction pour obtenir une actualisation des mesures de blocages.
Les groupes Elsevier et Springer éditent un grand nombre de publications scientifiques et se sont aperçus que les sites Sci-Hu et LibGen diffusaient la quasi-intégralité de ces publications, en violation de leurs droits. Les éditeurs ont demandé au tribunal judiciaire de Paris d’ordonner aux principaux fournisseurs d’accès à internet français, sur le fondement de l’article L. 336-2 du Code de la propriété intellectuelle, de bloquer l’accès à 183 noms de domaine actifs permettant d’accéder à ces plateformes. Pour caractériser l’atteinte à leurs droits d’auteur et droits voisins, elles ont fait établir des rapports d’analyses par une société privée et des constations d’huissiers dont la force probante a été validée par le tribunal. Dans les précédentes affaires dans lesquelles le juge avait ordonné le blocage de noms de domaine, les constatations de la diffusion non autorisées d’œuvres audiovisuelles ou musicales avaient été effectuées par des agents assermentés, et non par des prestataires privés et des huissiers.

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Sauvegardes et serveur dans le même datacenter : faute d’OVH

Si le tribunal de commerce de Lille rappelle que la responsabilité d’OVH ne peut être mise en cause pour les conséquences de l’incendie qui a ravagé ses centres serveurs à Strasbourg, il juge qu’il a commis un manquement contractuel à son offre de sauvegarde automatisée en stockant les sauvegardes dans le même bâtiment que le serveur alors qu’il s‘était engagé à ce qu’elles soient physiquement isolées de l’infrastructure dans laquelle avait été mis en place le serveur privé virtuel de son client. Par un jugement du 26 janvier 2023, OVH est condamné à verser 93 000 € de dommages-intérêts à son client ainsi que 7 000 € au titre de l’article 700 du CPC.
La société France Bati Courtage, dont l’activité est quasi exclusivement en ligne, avait souscrit un contrat de location de serveur virtuel VPS auprès d’OVH ainsi qu’une option contractuelle supplémentaire de sauvegarde automatisée afin de préserver et de pouvoir récupérer des données du serveur dédié. OVH s’était engagé à ce que cet espace de stockage soit physiquement isolé de l’infrastructure où le serveur virtuel privé du client se trouvait. En mars 2021, un incendie a détruit trois datacenters d’OVH à Strasbourg dont celui du serveur virtuel du client. Un mois plus tard, France Bati Courtage qui pensait récupérer ses données de la sauvegarde automatisée a appris qu’elle avait également été détruite car elle était stockée dans le même bâtiment.
Le tribunal commence par relever qu’OVH avait pris toutes les mesures de précaution contre l’incendie et n’avait pas commis de faute lourde ou de graves manquements à la sécurité. Concernant le respect de l’option de sauvegarde, OVH invoque la clause d’exclusion pour cas de force majeure. Or, l’article 1170 du code civil dispose que « toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. « . Et en l’espèce justement, « réaliser les copies de sauvegarde et les mettre en sécurité, en particulier en cas de sinistre ou d’incendie, est une obligation essentielle du contrat. La clause 7.7 du contrat OVH prive donc de sa substance l’obligation essentielle de la SAS OVH et doit donc être réputée non écrite », conclut le tribunal.
Le client reproche par ailleurs à OVH d’avoir manqué à son obligation d’isoler physiquement la sauvegarde. Le tribunal procède à une analyse fine des termes utilisés dans le contrat pour juger qu’« en stockant les 3 réplications de sauvegardes au même endroit que le serveur principal, OVH n’a pas respecté ses obligations contractuelles vis-à-vis de France Bati Courtage ».Il estime donc qu’OVH doit réparer le préjudice subi par le client du fait de ce manquement. OVH invoque une clause figurant dans ces conditions générales limitant sa responsabilité au montant des sommes versées par le client, soit 1 800 €. Mais le tribunal considère que « la clause de limitation de responsabilité établie par la SAS OVH octroie un avantage injustifié à celle-ci en absence de contrepartie pour le client. Cette clause crée une véritable asymétrie entre les obligations de chacune des parties. En définitive, cette clause transfère le risque sur l’autre partie de manière injustifiée et sans contrepartie pour cette dernière ». Elle est donc réputée non écrite. En conséquence, le tribunal condamne OVH à verser à son client 93 000 € pour le au titre du préjudice pour perte d’actif incorporel, pour les travaux de restitution d’un hébergement des données et des sites, pour le préjudice financier et pour l’atteinte à l’image.

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