Injures sur Facebook : pas d’excuse de provocation

« La riposte invoquée n’étant ni proche dans le temps, ni proportionnée à l’attaque dont il est plaidé qu’elle la justifierait, l’excuse de provocation ne peut exonérer Monsieur Y. de sa responsabilité, de sorte qu’il doit être condamné pour ces faits », a expliqué le tribunal judiciaire de Paris dans son jugement du 3 avril 2023. Il condamne donc le prévenu pour injure publique envers un particulier pour avoir publié au sujet d’un politologue spécialiste du complotisme les quatre expressions poursuivies : « l’autre taré de Monsieur X. », « pauvre con », « fou dangereux », « immonde pervers ». Le tribunal estime que ces termes ne comportent pas de référence à un fait précis, dont la preuve pourrait être débattue. « Ces termes sont outrageants, en ce qu’il renvoient Monsieur X. à une forme· de folie dangereuse, de perversion, et qu’ils usent d’un vocabulaire grossier – « con » – et dégradant – «-immonde » – pour donner de lui une image très dévalorisante, de sorte qu’il devra être considéré que ces propos revêtent indéniablement un caractère méprisant et outrageant caractérisant l’injure », juge-t-il. Et il le condamne à 500 € d’amende avec sursis, 800 € de dommages-intérêts pour réparer le préjudice moral de la partie civile et 2 500 € au titre des frais qu’elle a engagés.

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Modération : pourvoi en cassation de Twitter rejeté

Grâce à une ordonnance de la Cour de cassation du 23 mars 2023, on devrait en savoir plus sur les moyens effectifs consacrés par Twitter à la modération. Les juges suprêmes ont fait droit à la demande de l’UEJF, SOS Racisme, la Licra, J’accuse, SOS Homophobie et le Mrap de radier le pourvoi formé par Twitter contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 janvier 2022. Cette dernière avait condamné la société américaine à communiquer, dans un délai de deux mois, aux associations de lutte contre le racisme « tout document administratif, contractuel, technique, ou commercial relatif aux moyens matériels et humains mis en œuvre dans le cadre du service Twitter pour lutter contre la diffusion des infractions d’apologie de crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle, l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine ».
Le réseau social n’avait pas exécuté l’ordonnance de référé bien qu’elle était exécutoire. Quant à l’exécution de la décision d’appel, elle a été insuffisante, a constaté la Cour de cassation. « La lettre du conseil de la société Twitter International Unlimited Company ne peut être considérée satisfaisante, au regard de l’exigence de production, aux termes de l’arrêt, de documents administratif, contractuel, technique, ou commercial internes à l’entreprise, relatifs aux moyens matériels et humains mis en œuvre dans le cadre du service Twitter pour lutter contre la diffusion des infractions d’apologie de crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle, l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine. » Par ailleurs, ce document sans indication de destinataires ne contient que « des informations générales, imprécises, parcellaires et insuffisantes ainsi que des données chiffrées dont on ne sait si elles concernent le monde entier ou seulement la France, en tout cas non corroborées par des documents internes concernant la plateforme française sur la période concernée du 18 mai 2020 au 9 juillet 2021 ». La Cour de cassation conclut « de l’insuffisance des informations communiquées au regard des exigences de l’arrêt pour la part non contestée par la société au regard de son obligation légale de rendre publics les moyens qu’elle consacre à la lutte contre les activités illicites, il ne peut être valablement allégué par la société Twitter International Unlimited Company une atteinte à son droit d’accès au juge ».
A la suite du rejet de son pourvoi, Twitter devra donc communiquer « tout document administratif, contractuel, technique ou commercial relatif aux moyens matériels et humains mis en œuvre » pour « lutter contre la diffusion des infractions d’apologie de crimes contre l’humanité, d’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe », et détailler « le nombre, la localisation, la nationalité, la langue des personnes affectées au traitement des signalements provenant des utilisateurs de la plateforme française », « le nombre de signalements », « les critères et le nombre des retraits subséquents » ainsi que « le nombre d’informations transmises aux autorités publiques compétentes, en particulier au parquet ».
Twitter peut-il encore se dérober ?

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Escroqueries sur Abritel.fr : le site responsable en tant qu’éditeur

Par une décision du 21 février 2023, le tribunal judiciaire de Paris a considéré que « la société Homeawayuk Limited ne saurait prétendre avoir exercé, dans l’exploitation de la plate-forme abritel.fr, le rôle d’un hébergeur purement passif, dont la conséquence aurait été une responsabilité civile limitée. Il y a lieu en l’espèce d’envisager la responsabilité de la société selon les critères de la responsabilité contractuelle de droit commun ». Après avoir procédé à l’analyse des faits reprochés par 67 plaignants, utilisateurs de la plateforme victimes d’une escroquerie, le tribunal a estimé que la société éditrice d’Arbritel.fr n’était pas exempte de toute responsabilité, même si les demandeurs ont participé largement à leur préjudice par des comportements imprudents. Il estime donc la part de préjudice correspondant à la responsabilité de la société à 40 % du montant des sommes payées par les demandeurs aux faux propriétaires.
67 utilisateurs de la plateforme avaient effectué des réservations de location à partir d’annonces figurant sur le site qui invitaient les intéressés à entrer directement en contact avec le prétendu propriétaire via l’adresse email affichée sur l’annonce. L’annonce en question figurait sur un encadré apparemment ajouté par incrustation sur les pages du site consultable par les vacanciers, dans un emplacement réservé à une photo. Les plaignants considérant qu’Abritel portait une responsabilité manifeste pour les escroqueries dont ils ont été victimes l’ont assignée en responsabilité et ont chacun respectivement réclamé entre 1 000 et 6 000 € pour l’indemnisation du préjudice subi.
Le tribunal a commencé par se prononcer sur le statut d’éditeur d’Arbitel.fr en estimant que la plateforme prenait une part active dans la diffusion des annonces, notamment en validant l’inscription des propriétaires, en fixant le contenu des annonces, en se réservant le droit discrétionnaire d’évaluer la pertinence des annonces publiées par rapport aux conditions générales, etc. Le tribunal a ensuite recherché si le site avait commis une faute. S’il a considéré que les escroqueries n’avaient pas pour origine une faute ou un dysfonctionnement du site, il a mis en cause sa responsabilité en raison de ses ambiguïtés. Il a constaté par exemple qu’aucun avertissement général ne figurait sur le site pour mettre en garde l’utilisateur sur les risques de parasitage de contenus ou que les éléments d’information publiés n’étaient pas mis en exergue ou étaient mélangés à des informations diverses. Même la garantie était formulée de manière ambiguë constate le tribunal qui juge que la responsabilité civile du site est engagée.

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Vie privée : un salarié peut obtenir les bulletins de ses collègues

Par un arrêt du 8 mars 2023, la Cour de cassation rappelle que le droit à la protection des données personnelles n’est pas un droit absolu et est mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, en conformité avec le principe de proportionnalité. En conséquence, elle a validé le fait que la « communication d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’autres salariés était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de la salariée à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail ».
Dans cette affaire, une femme avait occupé le poste de responsable projets transverses dérivés (chief operating officer ou COO) avant d’être nommée directrice « stratégie et projets groupe » de sa société. Elle a été licenciée deux ans après. Considérant avoir subi une inégalité salariale par rapport à certains collègues masculins occupant ou ayant occupé des postes de COO, elle a saisi la formation de référé de la juridiction prud’homale, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, pour obtenir la communication d’éléments de comparaison détenus par ses deux employeurs successifs. La cour d’appel lui a donné gain de cause en autorisant la communication des bulletins de salaires de huit autres salariés occupant des postes de niveau comparable au sien dans des fonctions d’encadrement, commerciales ou de marché, avec occultation des données personnelles à l’exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée et de la rémunération brute totale cumulée par année civile. La Cour de cassation a validé l’arrêt de la cour d’appel. Elle a en effet rappelé que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle. Pour cela, le juge doit « rechercher si cette communication n’est pas nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de l’inégalité de traitement alléguée et proportionnée au but poursuivi et s’il existe ainsi un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, ensuite, si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, de vérifier quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitée ».

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Publications scientifiques diffusées sans droit : blocage de 183 noms de domaine

À la demande des sociétés des groupes Elsevier et Springer, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné à Free, SFR, Bouygues Télécom et Orange de bloquer, à leur frais, l’accès par leurs abonnés pendant 18 mois, à 183 url des sites Sci-hub et Libgen, diffusant sans autorisation les publications scientifiques qu’elles éditent. Le jugement précise qu’en cas d’évolution du litige par la mise en place de mesures de contournement par les sites en question, les éditeurs pourraient saisir le juge des référés de cette juridiction pour obtenir une actualisation des mesures de blocages.
Les groupes Elsevier et Springer éditent un grand nombre de publications scientifiques et se sont aperçus que les sites Sci-Hu et LibGen diffusaient la quasi-intégralité de ces publications, en violation de leurs droits. Les éditeurs ont demandé au tribunal judiciaire de Paris d’ordonner aux principaux fournisseurs d’accès à internet français, sur le fondement de l’article L. 336-2 du Code de la propriété intellectuelle, de bloquer l’accès à 183 noms de domaine actifs permettant d’accéder à ces plateformes. Pour caractériser l’atteinte à leurs droits d’auteur et droits voisins, elles ont fait établir des rapports d’analyses par une société privée et des constations d’huissiers dont la force probante a été validée par le tribunal. Dans les précédentes affaires dans lesquelles le juge avait ordonné le blocage de noms de domaine, les constatations de la diffusion non autorisées d’œuvres audiovisuelles ou musicales avaient été effectuées par des agents assermentés, et non par des prestataires privés et des huissiers.

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Sauvegardes et serveur dans le même datacenter : faute d’OVH

Si le tribunal de commerce de Lille rappelle que la responsabilité d’OVH ne peut être mise en cause pour les conséquences de l’incendie qui a ravagé ses centres serveurs à Strasbourg, il juge qu’il a commis un manquement contractuel à son offre de sauvegarde automatisée en stockant les sauvegardes dans le même bâtiment que le serveur alors qu’il s‘était engagé à ce qu’elles soient physiquement isolées de l’infrastructure dans laquelle avait été mis en place le serveur privé virtuel de son client. Par un jugement du 26 janvier 2023, OVH est condamné à verser 93 000 € de dommages-intérêts à son client ainsi que 7 000 € au titre de l’article 700 du CPC.
La société France Bati Courtage, dont l’activité est quasi exclusivement en ligne, avait souscrit un contrat de location de serveur virtuel VPS auprès d’OVH ainsi qu’une option contractuelle supplémentaire de sauvegarde automatisée afin de préserver et de pouvoir récupérer des données du serveur dédié. OVH s’était engagé à ce que cet espace de stockage soit physiquement isolé de l’infrastructure où le serveur virtuel privé du client se trouvait. En mars 2021, un incendie a détruit trois datacenters d’OVH à Strasbourg dont celui du serveur virtuel du client. Un mois plus tard, France Bati Courtage qui pensait récupérer ses données de la sauvegarde automatisée a appris qu’elle avait également été détruite car elle était stockée dans le même bâtiment.
Le tribunal commence par relever qu’OVH avait pris toutes les mesures de précaution contre l’incendie et n’avait pas commis de faute lourde ou de graves manquements à la sécurité. Concernant le respect de l’option de sauvegarde, OVH invoque la clause d’exclusion pour cas de force majeure. Or, l’article 1170 du code civil dispose que « toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. « . Et en l’espèce justement, « réaliser les copies de sauvegarde et les mettre en sécurité, en particulier en cas de sinistre ou d’incendie, est une obligation essentielle du contrat. La clause 7.7 du contrat OVH prive donc de sa substance l’obligation essentielle de la SAS OVH et doit donc être réputée non écrite », conclut le tribunal.
Le client reproche par ailleurs à OVH d’avoir manqué à son obligation d’isoler physiquement la sauvegarde. Le tribunal procède à une analyse fine des termes utilisés dans le contrat pour juger qu’« en stockant les 3 réplications de sauvegardes au même endroit que le serveur principal, OVH n’a pas respecté ses obligations contractuelles vis-à-vis de France Bati Courtage ».Il estime donc qu’OVH doit réparer le préjudice subi par le client du fait de ce manquement. OVH invoque une clause figurant dans ces conditions générales limitant sa responsabilité au montant des sommes versées par le client, soit 1 800 €. Mais le tribunal considère que « la clause de limitation de responsabilité établie par la SAS OVH octroie un avantage injustifié à celle-ci en absence de contrepartie pour le client. Cette clause crée une véritable asymétrie entre les obligations de chacune des parties. En définitive, cette clause transfère le risque sur l’autre partie de manière injustifiée et sans contrepartie pour cette dernière ». Elle est donc réputée non écrite. En conséquence, le tribunal condamne OVH à verser à son client 93 000 € pour le au titre du préjudice pour perte d’actif incorporel, pour les travaux de restitution d’un hébergement des données et des sites, pour le préjudice financier et pour l’atteinte à l’image.

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Contrefaçon de logiciel : condamnation pour procédure abusive

Attaquer en justice pour contrefaçon de logiciel et concurrence déloyale un concurrent, sans pouvoir démontrer ses accusations et en communiquant sur ces affirmations alors qu’elles n’avaient été confirmées par le tribunal peut coûter cher. Par un jugement définitif du 25 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Paris a condamné cette société à verser 100 000 € de dommages-intérêts à la société attaquée indûment pour concurrence déloyale, 20 000 € pour procédure abusive et 40 000 € au titre de l’article 700 du CPC.
La société Clecim accusait la société Deepgray Vision d’avoir commis des faits de contrefaçon de son logiciel lors des opérations de maintenance qu’elle a réalisées en novembre 2014 chez un client. Elle prétendait que Deepgray Vision avait utilisé le code
source de son logiciel XLine à cette occasion, et ainsi contrefait ses droits d’auteur sur ce logiciel ainsi que ses marques XLine et SIAS. Deepgray Vision a été créée le 20 janvier 2012 par trois personnes qui avaient été salariées de Clecim jusqu’au 9 septembre 2011 et qui avaient travaillé sur ces logiciels. Clecim a obtenu deux ordonnances en saisie-contrefaçon et a assigné son concurrent pour faire interdire la reproduction non autorisée la mise à jour de son logiciel XLine et la reproduction non autorisée de ses marques,
Sur la contrefaçon, le tribunal a commencé par considérer que Clecim ne démontrait pas être titulaire des droits d’auteur sur le logiciel à la date des faits litigieux, en raison notamment de l’apposition sur celui-ci d’un copyright © désignant une autre société. De toute façon, le tribunal a conclu à l’absence de contrefaçon du logiciel. D’une part, Clecim ne s’était pas réservée par contrat la maintenance corrective de son logiciel, le client était donc en droit de faire réaliser cette maintenance par Deepgray Vision. Et puis Clecim ne prouve pas que cette intervention impliquait le recours aux codes sources du logiciel litigieux. D’autre part, le tribunal a estimé que Deepgray Vision avait développé sa propre solution logicielle d’inspection de surface dont l’originalité et le caractère innovant sont corroborés par l’expert en informatique ayant assisté l’huissier pendant la saisie-contrefaçon et par l’éligibilité de cette société au statut de jeune entreprise innovante et au crédit d’impôt recherche.
Si Clecim échoue à prouver les faits de concurrence déloyale de Deepgray Vision, elle est en revanche condamnée à indemniser la défenderesse pour des actes de concurrence déloyale par dénigrement par la présentation, comme acquis en justice, à plusieurs clients communs, du principe d’une contrefaçon sur la base de simples ordonnances de saisie-contrefaçon. Le tribunal conclut à l’intention de nuire de Clecim contre Deepgray Vision et au détournement du but de l’action en justice, faisant dégénérer en abus son droit d’agir.
Enfin, le tribunal annule les marques SIAS pour défaut de distinctivité et juge que Deepgray Vision n’a pas contrefait les marques XLine car l’usage qu’elle en a fait était nécessaire pour désigner le logiciel en cause.

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Contrefaçon de logiciel : annulation d’une assignation trop imprécise

Par une ordonnance de la mise en état très motivée du 14 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a annulé une assignation en contrefaçon de droit d’auteur de la société Dassault Systems Solidworks pour n’avoir pas présenté et commenté le code source du logiciel en cause. Ce manquement a empêché les défendeurs de se défendre.
Dassault Systemes Solidworks reprochait à Emitech de détenir des licences d’exploitation en nombre insuffisant de son logiciel de CAO « Solidworks ». Avant tout débat au fond, Emitech a cependant soulevé une exception de nullité pour vice de forme. Un logiciel est protégé par le droit d’auteur à la seule condition d’être original. Il appartient donc à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue. Pour respecter le principe de la contradiction figurant à l’article 16 du code de procédure civile, le défendeur doit connaître précisément les caractéristiques qui fondent l’atteinte qui lui est imputée et apporter la preuve qui lui incombe de l’absence d’originalité. Pour ce faire, au vu des faits reprochés, à savoir l’utilisation du ou des logiciels copiés servilement ou piratés, une comparaison des codes sources ne serait pas utile, mais l’analyse de celui du logiciel Soldiworks « pour définir les éléments et les enchainements logiques qui, en son sein, sont le siège de l’originalité alléguée », affirme le tribunal. Ce n’est pas une caractérisation prématurée de l’originalité de l’œuvre en cause qui est réclamée, mais, « la détermination et la définition objective des éléments subjectifs qui la caractérise pour permettre un débat contradictoire à la fois pertinent et loyal lui interdisant d’ajuster l’assiette des droits qu’elle revendique aux moyens opposés tant dans le cadre d’une fin de non-recevoir que dans celui d’une défense au fond : expliciter n’est pas prouver mais rendre clair et précis ; l’exigence d’explicitation touche à la détermination de la demande et non à la preuve de sa recevabilité ou de son bien-fondé, l’originalité n’étant pas un fait juridique qui se démontre, le cas échéant par présomption, mais une qualification juridique qui s’apprécie », explique le tribunal. Or, l’assignation ne contient aucun développement permettant d’identifier les caractéristiques dont l’originalité conditionne l’existence de ces droits. En raison du défaut d’explicitation du demandeur, l’assignation est affectée d’un vice de forme qui rend une défense utile impossible, faute de détermination préalable du périmètre et de l’assiette des droits opposés.

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Cloud : suspendre un transfert de données en cas de doute sur leur propriété

Par une décision du 16 janvier 2023, le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a considéré qu’un prestataire de maintenance pouvait légitimement refuser de transférer la base de données de son client car celui-ci ne justifiait pas avoir acquis cet actif dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société propriétaire du fichier.
Une société avait conclu un contrat de maintenance pour trois ans concernant son logiciel d’encaissement dont les données sont sauvegardées dans un espace cloud. La société s’est aperçue que son fichier clients ne contenait qu’une centaine de contacts au lieu de 3 000. Il s’avère que ce fichier appartenait à une autre société qui a été placée en liquidation judiciaire : son ex-responsable a du reste informé le prestataire de ce fait. Celui-ci a donc suspendu les opérations de transfert en attendant d’avoir des garanties sur la propriété du fichier. Or, il est apparu que son client avait racheté le bail mais pas les actifs de la société liquidée. Il ne démontre donc pas qu’il a acquis le fichier ni que le liquidateur l’a autorisé à l’utiliser. Le tribunal en conclut que le prestataire n’a commis aucune faute contractuelle en suspendant le transfert des données.

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Presse en ligne : Francesoir.fr obtient gain de cause en référé

Par une ordonnance de référé du 13 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a suspendu la décision du 5 décembre 2022 par laquelle la Commission mixte paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) a refusé le renouvellement de l’inscription dans ses registres du site francesoir.fr, en qualité de service de presse en ligne, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision. Il a également enjoint la CPPAP de rétablir le régime d’aide dont bénéficiait le titre de presse préalablement à la décision refusant le renouvellement de son agrément, et ce, à compter de la date du 30 novembre 2022.
Le site d’information en ligne France-Soir, connu pour ses contenus controversés, s’était vu suspendre son inscription au registre de la CPPAP, le 5 décembre 2022, au motif qu’il était dépourvu du « caractère d’intérêt général quant à la diffusion de la pensée », condition exigée pour un service de presse en ligne. Le tribunal a d’abord considéré que la condition d’urgence était remplie. Il explique que « la décision contestée a pour effet de faire perdre à cette dernière les avantages fiscaux prévus par les articles D. 18 du code des postes et communications électroniques et 72 de l’annexe III du code général des impôts lui permettant notamment de bénéficier de dons défiscalisés ». Ce qui est de nature à remettre en cause le modèle économique adopté par la société éditrice puisque la majorité de ses revenus proviennent de dons défiscalisés. Sur la décision elle-même, il a été reproché à la présidente de la commission de s’être exprimée publiquement et préalablement à la décision, dans le cadre des travaux conduits par la commission Bronner sur la désinformation, indiquant que le site présentait un « défaut d’intérêt général, en raison notamment d’allégations susceptibles de porter atteinte à la protection de la santé publique, ajoutant qu’il faudrait que, sur ce point, la Commission dispose d’une expertise professionnelle sur la potentielle dangerosité des propos ainsi diffusés ». Le tribunal a jugé que « le moyen tiré de ce que la Commission n’aurait pas statué avec toute l’impartialité requise lors de sa séance du 30 novembre 2022 qui a conduit au non renouvellement de l’agrément dont était titulaire ce site est propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée jusqu’à ce que les juges du fond se prononcent sur ce litige ».

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