Contrefaçon sur la page Facebook The Voice Belgique

La cour d’appel de Paris a condamné, le 18 juin 2021, la chaîne de radio-télévision belge francophone RTBF pour avoir utilisé sans autorisation 18 secondes de la chanson Badminton du groupe Astonvilla pour la promotion de l’émission The Voice Belgique sur Facebook. Elle doit verser 4 000 € de réparation aux auteurs de la chanson pour atteinte à leur droit moral et 10 000 € au producteur pour son préjudice patrimonial.
En 2016, la RTBF avait intégré un extrait de la chanson Badminton du groupe français Astonvilla dans la bande-annonce de l’émission musicale The Voice Belgique et l’avait diffusée sur sa page Facebook. Les auteurs-compositeurs et la société de production du groupe, qui n’avaient pas donné leur autorisation, ont assigné devant le TGI de Paris la RTBF et la société de production de l’émission en vue de l’indemnisation sur le fondement de la violation des droits d’auteur. La cour d’appel a jugé que la RTBF avait porté atteinte au droit moral des auteurs et de l’éditeur. D’abord, cette diffusion porte atteinte à l’œuvre du fait que ces derniers n’ont pas donné l’autorisation d’utiliser un extrait de leur chanson pour promouvoir une émission dont la philosophie est très éloignée de leurs convictions politiques. D’autre part, l’autorisation générale donnée à la RTBF et à la Sabam pour utiliser le répertoire de la Sacem n’inclut pas le but d’autopromotion de ses émissions. Ensuite, la RTBF a porté atteinte à leur droit de paternité, faute d’avoir cité leur nom alors que rien n’interdisait de le mentionner sur la page Facebook. La cour a également reconnu une atteinte aux droits patrimoniaux du producteur. En revanche, elle juge irrecevables les demandes des auteurs et de l’éditeur dont l’action en défense de ces droits appartient à la Sabam ou à la Sacem.
Par un arrêt du 17 novembre 2017, la cour d’appel de Paris avait conclu à la compétence des juridictions françaises pour connaître d’un litige de contrefaçon de droit d’auteur sur la page Facebook de l’émission The Voice diffusée sur la télévision belge. La cour d’appel avait simplement relevé que le site était parfaitement accessible en France.

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RGPD : la CJUE précise les compétences des Cnil non chefs de file

Dans un arrêt du 15 juin 2021, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé les conditions d’exercice des autorités de contrôle qui ne sont pas chefs de file au sens du RGPD, dans le cadre d’un traitement de données personnelles transfrontalier. Elle estime que, sous certaines conditions, l’autorité de contrôle d’un État membre peut exercer son pouvoir de porter toute violation du RGPD devant la juridiction de cet état ou d’ester en justice en ce qui concerne ce traitement transfrontalier alors qu’elle n’est pas autorité chef de file.
La Cour intervient dans le cadre d’un litige qui a opposé Facebook à l’autorité de contrôle belge, l’Autorité de protection des données (ADP) qui agit en tant que successeur légal du président de la CPVP (Commission de Protection de la Vie Privée). Le 11 septembre 2015, ce dernier avait intenté une action en cessation à l’égard de Facebook concernant une violation grave et à grande échelle en matière de collecte d’informations sur le comportement de navigation tant des détenteurs d’un compte Facebook que des non détenteurs de comptes au moyen de cookies, de modules sociaux tels que les boutons « j’aime », « partager » ou encore de pixels. Par un jugement du 16 février 2018, le tribunal de première instance de Bruxelles s’était déclaré compétent pour statuer sur l’action en cessation contre Facebook Irland, Inc. et Belgium et avait déclaré irrecevable la demande d’intervention volontaire présentée par la CPVP. Sur le fond, il avait jugé que le réseau social n’informait pas suffisamment les internautes belges de la collecte de données les concernant et de leur usage. Il avait également considéré que le consentement donné par les internautes n’était pas valable. Le 2 mars 2018, Facebook a interjeté appel de ce jugement et la cour d’appel de Bruxelles s’est déclarée compétente uniquement concernant l’action en cessation à l’égard de Facebook Belgium. Avant de statuer sur le fond du litige principal, la cour d’appel a interrogé la CJUE sur la question de savoir si l’APD dispose de la qualité pour agir, au sens du RGPD.
En vertu de l’article 56 1) du RGPD, l’autorité de contrôle du lieu de l’établissement principal est compétente en tant qu’autorité de contrôle chef de file dans le cadre d’un traitement transfrontalier. La première question posée à la Cour portait sur le fait de savoir si une autorité de contrôle qui n’est pas chef de file peut exercer le pouvoir de porter toute violation du RGPD devant des juridictions de l’Etat membre ou le cas échéant ester en justice. La Cour a répondu en précisant les conditions dans lesquelles elle peut intervenir. Elle rappelle que le RGPD consacre la compétence de principe de l’autorité chef de file mais que cette dernière ne peut s’affranchir d’un dialogue indispensable ainsi que d’une coopération loyale et efficace avec les autres autorités de contrôle concernées. Dans le cadre de cette coopération, elle ne peut ignorer les points de vue des autres autorités concernées et que toute objection pertinente formulées par l’une d’entre elles a pour effet de bloquer, à tout le moins temporairement, l’adoption du projet de décision de l’autorité de contrôle chef de file. A la seconde question posée qui portait sur le fait de savoir si une autorité de contrôle qui n’est pas chef de file peut intervenir à condition que le responsable de traitement transfrontalier dispose d’un établissement principal sur le territoire de cet État membre, la Cour a répondu par la négative.
Il a ensuite été demandé à la Cour de se prononcer sur la question de savoir si la juridiction de renvoi est compétente pour examiner une action en cessation à l’égard de Facebook Belgium compte tenu du fait que le siège social européen du groupe Facebook est situé en Irlande et que Facebook Irland est la responsable de la collecte et du traitement de données à caractère personnel pour l’ensemble du territoire de l’Union européenne. Facebook Belgium a été créée pour permettre l’entretien de relations avec les institutions de l’Union européenne et accessoirement pour promouvoir les activités publicitaires et marketing du groupe pour les personnes en Belgique. La Cour relève d’une part que Facebook Belgium génère une partie substantielle de ses revenus grâce à la publicité diffusée sur le réseau social qui est destinée à assurer en Belgique la promotion et la vente d’espaces publicitaires, ce qui sert à rentabiliser les services de Facebook. D’autre part, l’activité de lobbying auprès des institutions de l’UE constitue un point de contact avec elles afin d’établir une politique de traitement de données. La Cour conclut que les activités de Facebook Belgium doivent être considérées comme étant indissociablement liées au traitement de données à caractère personnel en cause au principal et donc doivent être regardées comme étant effectuées dans le cadre des activités d’un établissement du responsable de traitement.
Par ailleurs lorsqu’une action de contrôle est intentée avant la date d’entrée en vigueur du règlement, une action en justice peut être maintenue sur le fondement de la directive européenne pour la protection des données, laquelle demeure applicable en ce qui concerne les infractions relatives aux règles qu’elle prévoit commises jusqu’à la date à laquelle la directive a été abrogée. Cette action peut en outre être intentée par cette autorité pour les infractions commises après la date d’entrée en vigueur du RGPD, pour autant que ce soit dans l’une des situations précisées par la Cour, ou si le règlement confère à cette même autorité une compétence pour adopter une telle décision constatant de telles violations.

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Un hébergeur condamné pour contrefaçon

Par un jugement très motivé du 23 avril 2021, le tribunal correctionnel de Nancy a condamné un hébergeur et son représentant légal pour complicité de fourniture de moyens de contrefaçon par reproduction, pour contrefaçon par représentation ou diffusion et par mise à disposition d’œuvres de l’esprit sans autorisation des auteurs. Ils étaient poursuivis pour ne pas avoir promptement empêché l’accès à des informations stockées sur leurs serveurs, à la demande d’un tiers, susceptibles de constituer des actes de contrefaçon d’œuvres de l’esprit et de vidéogrammes. L’hébergeur, personne morale, a été condamné à une peine principale de 100 000 € d’amende et le dirigeant social à une peine d’emprisonnement d’un an de prison avec sursis et 20 000 € d’amende ainsi qu’au versement de dommages-intérêts aux ayants droit.
La société DStorage, créée en 2009, exploite le site Internet 1fichier.com qui propose des services de stockage de fichiers sur ses propres serveurs avec une possibilité de diffusion de liens de téléchargement pour les abonnés. Les agents assermentés de la Fédération nationale des éditeurs de films (FNEF), de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) et de la SACEM et SDRM ont constaté la présence de liens pointant vers des fichiers hébergés vers DStorage reproduisant sans autorisation des œuvres de leurs ayants droit. Ces dernières ont adressé des notifications de retrait de ces contenus à DStorage, sans succès. L’hébergeur considérait que la procédure de notification instaurée par la LCEN ne s’appliquait qu’aux seuls contenus manifestement illicites et non aux contenus contrefaisants violant un droit de propriété intellectuelle. Les ayants droit ont porté plainte pour contrefaçon par reproduction et représentation. Un expert informatique saisi par le ministère public pour analyser les données de téléchargement de fichiers notifiés fournis sur réquisition par DStorage a permis de déterminer que 3 478 fichiers notifiés avaient fait l’objet de 7 277 381 téléchargements.
Le tribunal commence par se prononcer sur les notifications. Il considère que sont manifestement illicites les informations stockées par DStorage à la demande de ses utilisateurs et notifiées par les parties civiles et dont la connaissance effective de ce caractère apparaît pleinement établi au sens du 3. du I. de l’article 6 de la LCEN. Le caractère manifestement illicite, selon le tribunal, découle notamment du nom des fichiers eux-mêmes mais également des liens pointant vers des fichiers litigieux diffusés par des sites notoirement connus pour être des fermes de liens. Pour chacun des faits portés à sa connaissance, le juge va déterminer si le l’hébergeur a réagi dans un délai prompt estimé à 7 jours, en se livrant à une appréciation in concreto pour conclure que l’hébergeur a engagé sa responsabilité pénale en n’empêchant pas leur accès.
Il va ensuite procéder à la qualification pénale des faits reprochés à l’hébergeur. Il considère qu’en maintenant le lien de téléchargement actif et en conservant le fichier sur ses serveurs, l’hébergeur fournit à l’internaute le moyen de commettre une contrefaçon par reproduction. L’intention complice, c’est-à-dire la connaissance du caractère contrefaisant de l’activité, résulte de la connaissance présumée du caractère contrefaisant de l’activité, par l’application du 5 du I de l’article 6 de la LCEN. Il retient donc la culpabilité de DStorage en requalifiant les faits en complicité par fourniture de moyens de stockage des serveurs lui appartenant et le maintien des liens permettant l’accès à ces moyens de stockage, de contrefaçon par reproduction. La qualité de coauteur de l’infraction de contrefaçon par représentation, diffusion, communication et de mise à disposition du public des œuvres de l’esprit et des vidéogrammes est donc retenue et ce à compter de la date de notification, plus sept jours.

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Yuka condamnée pour dénigrement et pratiques commerciales déloyales

Par un jugement du 25 mai 2021, le tribunal de commerce de Paris a condamné l’application Yuka à indemniser la Fédération des entreprises françaises de charcuterie traiteur (FICT) pour dénigrement et pratiques commerciales déloyales et trompeuses. Elle doit lui verser 20 000 € à titre de dommages-intérêts et 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’application a, par ailleurs, interdiction sous astreinte de 1000 € par jour de retard d’opérer un lien direct entre d’une part, la pétition « interdiction des nitrates » ou tout appel à interdire l’ajout de nitrates ou de nitrites dans des produits de charcuterie, et d’autre part des fiches de l’application Yuka relatives aux produits de charcuterie contenant ou non des additifs nitrés. Sous astreinte de 500 € par jour de retardle tribunal, le tribunal ordonne également à Yuka de supprimer dans ses fiches techniques relatives aux additifs E249, E250, E251 et E252 toutes mentions précisant que ces additifs seraient cancérogènes et favoriseraient l’apparition des maladies du sang. Elle doit également supprimer, dans la section intitulée « pourquoi interdire les nitrites ajoutés ? », toute référence au fait que ces additifs favoriseraient l’apparition de cancer colorectal et de l’estomac et des maladies du sang. Elle doit en outre supprimer l’appréciation « risques élevés » attribuée à ces additifs.
L’application Yuka donne une note à un produit alimentaire qui est composé à 60 % sur ses qualités nutritionnelles, 10 % sur sa dimension biologique et les 30 % restants reposent sur la présence d’additifs. Concernant les produits de charcuterie, le consommateur a la possibilité de faire apparaître une pétition relative à l’interdiction des nitrites qui favoriseraient l’apparition du cancer colorectal et de l’estomac. Il s’agit d’un message d’alerte qui produit un effet dissuasif. Le tribunal relève que la divulgation de l’information que reçoit le consommateur au moment précis de son achat de la part de Yuka d’une disqualification du produit concerné pour des motifs de santé. Or, pour la FICT ces informations constituent un acte de dénigrement.
Pour qualifier ces actes de dénigrement, le tribunal commence par déterminer l’existence d’un double impact des affirmations de Yuka sur le comportement de la clientèle : d’abord l’application dissuade d’acheter certains produits dans un objectif sanitaire personnel et les incite ensuite à des arbitrages collectifs comme moyen de pression visant à interdire la vente de certains produits. Le tribunal constate ensuite l’impossibilité pour la FICT de répondre sur les mêmes suports avec les mêmes moyens aux allégations contestées. Il estime donc que la publication de cette information conduit à un déséquilibre manifeste entre la liberté d’expression d’une part et la liberté d’exercice d’une activité économique licite d’autre part, au détriment de la seconde. Ensuite, le tribunal juge l’existence d’une base factuelle insuffisante d’observations objectives au regard de la gravité des allégations en cause. Pour le tribunal, « Yuka alerte les consommateurs par des allégations graves qu’elle reconnaît ne pas être nécessairement objectives, qu’elle autorise à les dissuader d’achats sur le fondement d’observations « vraisemblables » et « d’opinion », qu’elle autorise encore à « l’encouragement à ne plus consommer certains produits sans aucune base factuelle », enfin que sa démarche peut être politique militante, et ce à l’encontre de produits dont la réglementation européenne transposée en droit français » qui garantit un niveau de protection élevée.
Elle applique le même raisonnement pour caractériser les pratiques commerciales déloyales dont elle est accusée. Elle constate que Yuka multiplie dans le contenu accessible de son application des références à des institutions et à des travaux scientifiques sans que le consommateur puisse vérifier la corrélation entre lesdits travaux et les conclusions que Yuka en tire dans son appréciation des produits. « Ainsi, Yuka induit-elle à tort un sentiment de confiance dans un environnement apparemment scientifique qui est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. »

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Livraison d’un site : vérification préalable de son bon fonctionnement

Dans un jugement du 22 avril 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a rappelé l’obligation du client, qui commande à un prestataire le développement d’un site, de vérifier son bon fonctionnement en procédant à son recettage. Une société avait commandé à un prestataire le développement d’un site web de vente de piluliers et d’un jeu d’enchères. Ce dernier lui a livré un site actif et lui a demandé de payer le solde. Il s’avère que le jeu fonctionnait mais avec certaines difficultés. Alors que le client avait validé le site sans effectuer de tests, le prestataire a néanmoins continué de résoudre les problèmes qui ne rendait pas le site inutilisable. Huit mois après la mise en ligne du site, le client l’a mis en demeure d’exécuter « entièrement et correctement » ses obligations. Le tribunal a considéré qu’en vertu des conditions générales du prestataire, il appartenait cependant au client de vérifier le bon fonctionnement du site internet réalisé par le prestataire en procédant à son recettage et d’effectuer des tests, d’autant qu’il avait les accès administrateur. Disposant de ces codes, il avait de fait la responsabilité du fonctionnement du site.

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Vidéo porno : 12 000 € pour atteinte au droit à l’image

Pour avoir diffusé une vidéo à caractère pornographique sans l’autorisation de la personne qui y joue ainsi qu’une photo d’elle nue dans une position suggestive, la société de production a été condamnée à lui verser 12 000 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, par un jugement du 31 mars 2021 du tribunal judiciaire de Paris.
En janvier 2017, une jeune femme a joué dans un film à caractère pornographique qui a été diffusé en ligne puis retiré du site, suite à un accord entre l’actrice et la société PinkDev. En novembre 2018, elle a constaté que la vidéo était diffusée sur un site depuis 2017 en étant intégrée en troisième partie d’une vidéo pornographique produite par la société HPG Prod. En outre, figurait sur la jaquette de présentation de la vidéo une photographie la représentant notamment nue en position suggestive. Elle considère qu’il y a eu atteinte à son droit à l’image. Le tribunal lui a donné gain de cause en prenant en compte le fait qu’elle avait conclu une convention d’autorisation de cession de son image avec la société Pinkdev mais pas avec la société HPG Production-Réalisation, qui a diffusé la vidéo litigieuse et la photo sur la jaquette. Pour le montant de l’atteinte à son droit moral, le tribunal a pris en considération la durée de la diffusion sur internet de la vidéo la mettant en scène, sans son autorisation, soit du 16 octobre 2017 au 13 février 2019, et du fait que son visage apparaît dès la plaquette de présentation de cet enregistrement.

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Ne pas facturer la TVA constitue un acte de concurrence déloyale

Par un arrêt du 16 avril 2021, la cour d’appel de Paris a considéré qu’une société américaine qui vend des likes et des followers à des personnes situées en France sans facturer de TVA constitue un acte de concurrence. En conséquence, il la condamne à verser plus de 90 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à son concurrent français dont le prix de la prestation était plus élevé en raison de la facturation de la TVA. Elle doit ajouter 10 000 € au titre du parasitisme pour avoir reproduit ses conditions générales et 6 000 € au titre de l’article 700. La cour l’a, en revanche, déboutée de sa demande d’interdire l’exploitation du site du fait de l’élargissement du marché à d’autres concurrents. Cela entraînerait une atteinte disproportionnée au principe de liberté du commerce et de l’industrie.
Depuis 2012, un acteur français, d’abord en son nom puis par le biais de sa société, proposait des services d’acquisition de followers en ligne au travers de deux sites Buyfollowers.fr et Buyfollowersbysms.fr. Puis le site Followerspascher.fr a proposé des services identiques mais à des prix plus bas que lui. Il l’a assigné en concurrence déloyale. Il lui reprochait de ne pas soumettre ses clients français à la TVA alors même qu’une société étrangère qui fournit un service électronique à un consommateur français doit s’acquitter du paiement de la TVA via le « mini-guichet unique » mis en place par la réglementation européenne.
Followerspascher est édité par une société de droit américain dont l’extension en « .fr » a été abandonnée au profit de celle en « .com ». Il est établi que la France représente près de 94% du trafic généré sur le site et que les annonceurs sont très majoritairement français. La cour rappelle qu’en vertu des articles 259B 12° et 259 D du code général des impôts, les prestations informatiques sont réputées situées en France lorsqu’elles sont fournies à des personnes non assujetties qui sont établies, ont leur domicile ou leur résidence en France. En conséquence, sont soumises à la TVA les prestations de services fournies par Followerspascher à des personnes assujetties et à des personnes non assujetties établies, ayant leur domicile ou résidence habituelle en France. Pour le calcul du préjudice, la cour va distinguer deux périodes différentes, celle de 2014 où les deux sociétés étaient dans une situation de concurrence oligopolistique et la période ultérieure avec l’arrivée sur le marché de concurrents de plus en plus nombreux qui a dilué l’avantage concurrentiel du fait de l’absence de facturation de la TVA.
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Le Conseil d’Etat annule partiellement le décret GendNotes

Par une décision du 13 avril 2021, le Conseil d’Etat a partiellement annulé le décret du 20 février 2020 qui avait créé l’application GendNotes de la gendarmerie nationale destinée à faciliter la prise de notes sur le terrain directement sur un smartphone ou une tablette et d’améliorer la conservation et la transmission des données vers d’autres traitements. Le Conseil n’a pas remis en cause la création de ce traitement mais a annulé son premier article relatif à l’exploitation ultérieure dans d’autres traitements dans la mesure où cette finalité ne satisfait pas à l’exigence d’une finalité « déterminée, explicite et légitime ».
La Ligue des droits de l’homme, l’Internet Society France, le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France, le Conseil national des barreaux, la Quadrature du Net, la LICRA et d’autres associations ont intenté un recours en annulation contre le décret du 20 février 2020 portant autorisation d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé Application mobile de prise de notes (GendNotes). Selon ces organisations, il portait une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée et au droit corrélatif à la protection des données personnelles, sans prévoir les garanties appropriées à leur protection en termes de précision sur la finalité du traitement et sur la nature des données collectées, mais aussi en termes de durée de conservation des données, de contrôle des destinataires des données collectées et de sécurité.
GendNotes est utilisé dans le cadre des interventions et enquêtes diligentées par les militaires de la gendarmerie nationale, notamment à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre les menaces pour la sécurité publique. Cette application a pour finalités, d’une part, de faciliter le recueil et la conservation des informations collectées par les gendarmes à l’occasion d’actions de prévention, d’investigations ou d’interventions « en vue de leur exploitation ultérieure dans d’autres traitements de données », notamment par le biais d’un système de pré-renseignement et, d’autre part, de faciliter la transmission de comptes rendus aux autorités judiciaires.
Le Conseil d’Etat constate cependant que le décret ne comporte aucune indication quant à la nature et à l’objet des traitements concernés ni quant aux conditions d’exploitation, dans ces autres traitements, des données collectées par GendNotes. « Il s’ensuit que la finalité consistant en une  » exploitation ultérieure dans d’autres traitements « , notamment par le biais d’un système de pré-renseignement, des données collectées ne satisfait pas à l’exigence d’une finalité  » déterminée, explicite et légitime  » énoncée au 2° de l’article 4 de la loi du 6 janvier 1978 cité au point 7 ». Le Conseil d’Etat en conclut que « le décret attaqué doit être annulé en ce qu’il assigne une telle finalité au traitement qu’il autorise, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes relatifs à la légalité du décret sur ce point ».
En revanche, les autres finalités de GendNotes consistant, d’une part, à faciliter le recueil et la conservation, pour la réalisation des missions que les lois et règlements leur confient, des informations collectées par les militaires de la gendarmerie nationale à l’occasion d’actions de prévention, d’investigations ou d’interventions et, d’autre part, à faciliter la transmission de comptes rendus aux autorités judiciaires, qui sont déterminées, explicites et légitimes, ne méconnaissent pas les dispositions de l’article 4 de la loi du 6 janvier 1978.

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Parasitisme même sans perte de chiffre d’affaires ou de clientèle

 » Le parasitisme économique consistant à s’immiscer dans le sillage d’autrui afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, il s’infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, de tels actes, même limités dans le temps « , a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 17 mars 2021.
Dans cette affaire, le site abri-jardin.eu qui vendait des saunas en extérieur avait repris à l’identique, pour optimiser son référencement en ligne, les descriptifs techniques et les « avis du spécialiste » élaborés par son concurrent sauna-bien-être.com. Ce dernier l’a assigné en justice sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme. En appel, la cour avait rejeté ses demandes en raison de l’absence de perte de clientèle ou de chiffre d’affaires imputables au parasite et de lien de causalité entre l’attitude parasitaire et le préjudice dont le site se prévalait. La Cour de cassation a estimé que la cour d’appel de Versailles avait violé l’article 1240 du code civil.

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Prestataires de services sur actifs numériques : étendue des pouvoirs de l’AMF

Dans une décision du 2 avril 2021, le Conseil d’Etat a rappelé le large pouvoir d’appréciation de l’Autorité des marchés financiers et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution dans l’usage de leurs prérogatives, notamment pour ce qui est de l’enregistrement préalable obligatoire des prestataires de services sur actifs numériques. Les sociétés Blockchain Process Security, Digital Broker et Kamix, en attente de leur enregistrement, ne pouvaient pas exercer leur activité selon l’article L. 54-10-4 du code monétaire et financier, avaient rappelé les deux autorités dans un communiqué. Elles avaient ajouté que l’AMF pouvait publier une liste noire des prestataires non enregistrés, accompagnée d’une mise en garde du public, et le cas échéant demander en justice le blocage de l’accès aux sites dont l’activité n’est pas enregistrée. Le communiqué concluait qu’en tout état de cause, ces prestataires devraient suspendre toute activité promotionnelle et ne pas accepter de nouveaux clients avant d’être enregistrés.
Les trois sociétés ont intenté un recours devant le Conseil d’Etat pour obtenir l’annulation de ce communiqué et l’injonction de pouvoir continuer leur activité. Le Conseil a rejeté leurs demandes considérant qu’eu égard à leurs attributions et à leur pouvoir d’appréciation, « l’AMF et l’ACPR n’ont pas méconnu l’étendue de leur compétence en annonçant, par le communiqué attaqué, d’une part, qu’elles tiendraient compte au cas par cas de la situation des prestataires en cours d’enregistrement et, d’autre part, que l’AMF envisagera la publication d’une  » liste noire des prestataires non enregistrés  » accompagnée d’une mise en garde du public ».

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