Blue Mind/Linagora : pas de manquement à la garantie d’éviction
Dans le cadre du conflit entre Linagora et Blue Mind qui avait défrayé la chronique du monde de l’open source en 2014, la Cour de cassation vient de donner gain de cause à cette dernière. Par un arrêt du 10 novembre 2021, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel du 1er décembre 2020 qui avait conclu que les dirigeants de Blue Mind avaient manqué à leur obligation née de la garantie légale d’éviction. « En se déterminant ainsi, après avoir constaté que M. [N] avait créé la société Blue Mind plus de trois ans après la cession des actions, que M. [W] n’avait rejoint cette société que quatre ans après la cession et que les contrats en cours lors de la cession étaient à durée déterminée, sans rechercher concrètement si, au regard de l’activité de la société dont les parts avaient été cédées et du marché concerné, l’interdiction de se rétablir se justifiait encore au moment des faits reprochés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale », a conclu la Cour. Elle renvoie l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt devant la cour d’appel de Paris, autrement composée.
Deux associés avaient créé la société Aliasource proposant des solutions open source qui avait été rachetée en 2007 par Linagora. Ils avaient conservé des responsabilités de salariés dans le nouveau groupe. Mais en 2010, ils avaient démissionné de leurs fonctions et revendu leurs actions à Linagora, en raison de divergences de vue avec la direction. L’un d’eux a créé la société Blue Mind et le second l’a rejoint après. Linagora leur a reproché d’avoir violé la garantie légale d’éviction en lui interdisant de jouir de la possession paisible de la chose vendue. Elle soutenait que ses deux ex-associés lui avaient causé un préjudice par le fait d’avoir démarché et détourné sa clientèle, dénigré son logiciel OBM, capté parasitairement son savoir-faire intellectuel et industriel, de s’être approprié illicitement la technologie cédée à Linagora, d’avoir débauché des salariés, désorganisé la société et créé une société concurrente, Blue Mind.
Dans son jugement du 23 novembre 2018, le tribunal de commerce de Paris avait considéré que Linagora n’avait pas rapporté la preuve que ses deux anciens associés avaient violé la garantie d’éviction qu’ils lui devaient. Il a par ailleurs rejeté sa demande relative à la violation de la clause de non-concurrence aux hommes-clés de la société inscrite dans le pacte d’actionnaires, car elle était illicite en raison de son absence de limitation géographique et de contrepartie financière. Le tribunal a aussi constaté que les deux défendeurs n’avaient pas violé leurs obligations de loyauté et de fidélité en tant qu’actionnaire et n’avaient pas commis d’actes de concurrence fautive ou déloyale.
Le 1er décembre 2020, la cour d’appel a infirmé ce jugement considérant que les ex-associés avaient manqué à leur obligation née de la garantie légale d’éviction et qu’ils devaient indemniser la société Linagora au titre de la valeur perdue des actions. Par un second arrêt du 1er juin 2021, la cour d’appel les avait condamnés à verser à Linagora 480 000 € pour la réparation du préjudice subi.