Dénigrement sur fond d’accessibilité numérique
Le 27 novembre 2023, le tribunal de commerce de Paris a condamné une société de services informatiques spécialisée en « accessibilité numérique » à verser 17 500 € de dommages et intérêts et 10 000 € au titre de l’article 700 du CPC à un concurrent pour avoir tenu des propos dénigrants à son sujet. Le tribunal a considéré que la teneur des deux tweets qui lui étaient reprochés dépassaient les limites de la libre critique en raison de leur absence de nuance, de mesure ou de base factuelle suffisante. Les juges consulaires ont ainsi jugé que « les propos litigieux ont porté atteinte à l’image commerciale de la société visée et revêtent donc un caractère fautif ».
La société Koena avait posté deux tweets relatifs à la solution d’accessibilité numérique de son concurrent Facil’iti qui, selon elle, ne permettait pas de rendre accessible son site aux personnes en situation de handicap, ne répondait pas aux besoins de ces internautes ou n’était pas conforme au Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA). Elle avait également organisé un appel à témoignages sur les réseaux sociaux destiné à discréditer la solution de son concurrent. Facil’iti a donc demandé à Koena de retirer ses messages. Face au refus de cette dernière, elle l’a assignée devant le tribunal de commerce de Paris pour dénigrement.
Le tribunal a commencé par rappeler que le dénigrement consiste à répandre à l’encontre d’un concurrent des informations malveillantes à son propos ou à celui de ses produits ou services dans le but de nuire, peu important que la divulgation de cette information soit exacte dès lors qu’elle jette le discrédit. Le juge retient que Koena a exprimé publiquement une opinion péjorative et estime que le fait d’utiliser le terme « mensonger » atteste d’une absence de neutralité et de mesure. Il considère par ailleurs que les propos en cause ne reposent pas sur une base factuelle suffisante. Koena affirmait ainsi que la solution ne répondait pas aux besoins des internautes en situation de handicap, sans nuance au regard de la multiplicité des handicaps possibles susceptibles d’affecter la capacité des personnes à interagir sur le web. Koena reprochait également à son adversaire de ne pas être conforme au RGAA alors que la notion « d’accessibilité numérique » serait réservée, selon elle, aux seuls opérateurs qui respectent le RGAA. Or, le tribunal rappelle « l’absence de toute définition juridique des termes « accessibilité numérique » malgré une dizaine de pages consacrées par Koena à cette question, l’usage de ce terme n’étant pas réservé aux seuls opérateurs économiques d’importance assujettis au RGAA ». A noter que ce référentiel n’est imposé qu’à l’Etat, aux collectivités locales et aux entreprises d’une certaine taille. Le tribunal en conclut que le terme « accessibilité numérique » « n’est pas en soi de nature à justifier une tromperie dès lors que la communication n’est pas trompeuse, que ce terme n’est pas réservé aux seuls acteurs d’importance tenus de respecter 106 critères du RGAA, dont le Tribunal rappelle qu’il s’agit d’une liste de bonnes pratiques afin de remplir un objectif d’accessibilité et qu’il ne constitue pas la seule méthode pour y parvenir ».