Modération : pourvoi en cassation de Twitter rejeté
Grâce à une ordonnance de la Cour de cassation du 23 mars 2023, on devrait en savoir plus sur les moyens effectifs consacrés par Twitter à la modération. Les juges suprêmes ont fait droit à la demande de l’UEJF, SOS Racisme, la Licra, J’accuse, SOS Homophobie et le Mrap de radier le pourvoi formé par Twitter contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 janvier 2022. Cette dernière avait condamné la société américaine à communiquer, dans un délai de deux mois, aux associations de lutte contre le racisme « tout document administratif, contractuel, technique, ou commercial relatif aux moyens matériels et humains mis en œuvre dans le cadre du service Twitter pour lutter contre la diffusion des infractions d’apologie de crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle, l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine ».
Le réseau social n’avait pas exécuté l’ordonnance de référé bien qu’elle était exécutoire. Quant à l’exécution de la décision d’appel, elle a été insuffisante, a constaté la Cour de cassation. « La lettre du conseil de la société Twitter International Unlimited Company ne peut être considérée satisfaisante, au regard de l’exigence de production, aux termes de l’arrêt, de documents administratif, contractuel, technique, ou commercial internes à l’entreprise, relatifs aux moyens matériels et humains mis en œuvre dans le cadre du service Twitter pour lutter contre la diffusion des infractions d’apologie de crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle, l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine. » Par ailleurs, ce document sans indication de destinataires ne contient que « des informations générales, imprécises, parcellaires et insuffisantes ainsi que des données chiffrées dont on ne sait si elles concernent le monde entier ou seulement la France, en tout cas non corroborées par des documents internes concernant la plateforme française sur la période concernée du 18 mai 2020 au 9 juillet 2021 ». La Cour de cassation conclut « de l’insuffisance des informations communiquées au regard des exigences de l’arrêt pour la part non contestée par la société au regard de son obligation légale de rendre publics les moyens qu’elle consacre à la lutte contre les activités illicites, il ne peut être valablement allégué par la société Twitter International Unlimited Company une atteinte à son droit d’accès au juge ».
A la suite du rejet de son pourvoi, Twitter devra donc communiquer « tout document administratif, contractuel, technique ou commercial relatif aux moyens matériels et humains mis en œuvre » pour « lutter contre la diffusion des infractions d’apologie de crimes contre l’humanité, d’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe », et détailler « le nombre, la localisation, la nationalité, la langue des personnes affectées au traitement des signalements provenant des utilisateurs de la plateforme française », « le nombre de signalements », « les critères et le nombre des retraits subséquents » ainsi que « le nombre d’informations transmises aux autorités publiques compétentes, en particulier au parquet ».
Twitter peut-il encore se dérober ?