Tripadviser condamnée pour dénigrement

Le tribunal de commerce de Paris a jugé que la société américaine Tripadviser LLC avait commis des actes de dénigrement à l’égard de la société Viaticum qui exploite le site Bourse-des-vols.com. Par un jugement du 21 novembre 2022, le tribunal l’a condamnée à verser 50 000 € de dommages-intérêts à Viaticum, ainsi que 7 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supprimer, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, et pour 60 jours, la discussion litigieuse. Il a ordonné l’exécution provisoire du jugement. Le tribunal a estimé que Tripadviser avait « revendiqué à tort un statut d’hébergeur pour s’affranchir de sa responsabilité alors que ce statut ne relève pas de l’évidence dès lors qu’elle savait pertinemment qu’un de ses employés était intervenu sur le fil de discussion litigieux. Durant six années elle n’a de bonne foi, entrepris aucune action, pour modérer ou tenter de modérer, les 9 messages dénigrants litigieux qui causent un préjudice, au moins d’image, à la société Viaticum, préjudice, qui nécessairement, se transforme après de si longues années en préjudice moral ». Le tribunal a cependant réduit l’estimation par Viaticum de 100 000 € de son préjudice du fait qu’elle « n’a pas non plus tenté d’atténuer la portée du message en y répondant alors même que cette possibilité est offerte sur le site ».
Viaticum reprochait à TripAdvisor de détourner sa clientèle avec la création sur son site du forum de discussion « Bourse des vols » qui permettait d’accéder à des réservations concurrentes. Elle y avait constaté la présence de commentaires négatifs qu’elle jugeait dénigrants. Viaticum a demandé à TripAdvisor la suppression des propos litigieux mais cette dernière a refusé de le faire arguant de la liberté de la presse et qu’elle n’en n’était pas l’auteur. Viaticum l’a donc assignée pour obtenir cette suppression mais TripAdvisor a soulevé une exception d’incompétence territoriale, fondée sur ses conditions générales, dans leur version de 2013, qui prévoyaient que le droit interne de l’Etat du Massachusetts désigné par la clause permettait de déterminer le tribunal spécialement compétent. Et, subsidiairement, elle avait soulevé une exception d’incompétence au profit du tribunal judiciaire de Paris en application des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Par un arrêt du 6 janvier 2021, la cour d’appel de Paris avait déclaré nulle la clause attributive de compétence territoriale inscrite dans les CGU de TripAdvisor qui désignait le droit du Massachusetts en matière de tribunal applicable et l’avait déboutée de son exception d’incompétence au profit du tribunal judiciaire de Paris car il s’estimait compétent dans la mesure où les faits reprochés relevaient du dénigrement et non de la diffamation.
Dans le jugement au fond, le tribunal de commerce de Paris a refusé de qualifier ces actes de parasitisme car les parties ne sont pas concurrentes. Il estime au contraire que « la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit, tels qu’« Attention, Grosse arnaque sur ce site de recherche et réservation de vols en ligne » ou encore « BDV = VOLEURS », sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure, ce qui en l’espèce n’est pas le cas ».